Liste des produits et biographie de WASHBOARD SAM

WASHBOARD SAM
musicien - chanteur de blues américain
WASHBOARD SAM Washboard Sam est un personnage singulier à l'intérieur du monde du blues : figure presqu'archétypique d'un blues mainstream cadré, répondant à des normes musicales et commerciales définies, il conjugue à ce classicisme formel la particularité de jouer d'un instrument de facture primitive et pas si souvent utilisé dans le blues. (1) C'est ce mélange rare de deux aspects totalement opposés qui fait l'originalité du bluesman et de sa musique, et qui a contribué à sa popularité, tant directement auprès de sa communauté dans les années 30/40 que plus tard auprès des premiers amateurs "étrangers" qui ont découvert avec curiosité et intérêt ses disques. Washboard Sam est né Robert Brown le 15 juillet 1910 dans la petite bourgade de Walnut Ridge (Arkansas), là où le père de Big Bill Broonzy avait installé une maîtresse ! De là à penser que Sam est le fils de cette union illégitime, il n'y a qu'un pas que franchit sans vergogne le grand Bill avec son imagination coutumière dans son livre de souvenirs (2) mais il est bien difficile de vérifier l'exactitude de l'information. «C'est en 1916 que je vis Washboard Sam pour la première fois, écrit Big Bill (...) En 1918, je fus mobilisé et je ne l'ai plus vu jusqu'en 1925 à Memphis. C'était déjà un grand garçon. En 1931, il fit son apparition à Chicago où il vécu longtemps avec moi. C'est alors que j'ai commencé à le faire chanter et jouer du washboard, et j'obtins de le faire enregistrer pour Victor». (2) Voilà à peu près tout ce qu'on sait de marquant sur la jeunesse d'un musicien qui, enfant, travailla à la ferme avant de quitter le foyer familial vers 15 ans pour se rapprocher de Memphis où il commença à jouer du washboard dans des groupes locaux (sans doute quelques jug bands). Une fois monté à Chicago, on le vit se produire dans la rue avec Sleepy John Estes et Hammie Nixon, grands piliers des trottoirs. Et c'est en avril 1935 qu'il met pour la première fois les pieds dans les studios Victor pour graver les deux faces d'un disque que personne n'a jamais retrouvé. Deux mois plus tard, Big Bill Broonzy l'accompagne chez Vocalion d'où sortira son premier succès, sous le nom de Ham Gravy, Mama Don't Allow dont il tirera une suite. Mais bien vite il réintègre l'écurie Victor/Bluebird et, mis à part quelques rares infidélités — on l'entendra aussi sous le surnom de Shufflin' Sam — il effectuera toute sa carrière pour la même maison, toujours flanqué de son "demi-frère" guitariste. Entre 1935 et 1949, Washboard Sam va enregistrer environ 160 faces de 78 tours, ce qui en dit long sur sa popularité. Avec des "tubes" comme I'm A Prowlin' Groundhog (1936), Back Door (1937), Diggin' My Potatoes (1939), I'm Not The Lad et I've Been Treated Wrong (1941), River Hip Mama (1942)... il s'assure une présence constante dans les ghettos noirs, en particulier à Chicago où ses disques resteront des années dans les juke-boxes. Mais s'il est une "vedette" du disque, Washboard Sam n'entretient guère sa notoriété par un contact direct avec son public. Si on l'aperçoit parfois dans quelques clubs de la Cité du Vent, il semble préférer s'occuper ailleurs, menant, à ce qu'on dit, une vie plutôt agitée, ainsi que le sous-entend Big Bill : «Il fallait continuellement que j'aille le faire sortir de prison. Il était toujours mêlé à des tas d'histoires, en ce temps-là» (2), tandis que Memphis Slim ajoute : «Washboard Sam ne jouait pas dans les clubs (...) Il enregistrait des disques, travaillait dans les rues, mais jamais en club et, avant de mourir, il était veilleur de nuit». (3) Le producteur Lester Melrose, dont il était un peu le protégé, l'avait pris en mains et il utilisa abondamment ses services en studio. Son washboard et son sens rythmique font en effet merveille sur de nombreux disques enregistrés par Big Bill, Jazz Gillum, Curtis Jones, Sonny Boy Williamson, Yank Rachell, Joe McCoy, Bukka White et Memphis Slim entre autres et il participe également à quelques formations de studio : Midnight Ramblers, State Street Swingers, Washboard Rhythm Kings (version blues). Frappée par le Petrillo Ban (la grève des enregistrements), la carrière discographique de Washboard Sam s'arrête comme celle de ses collègues en 1942. Et elle ne redémarre que deux ans et demi après la levée de l'embargo, comme si la page était déjà tournée. Entre février 1947 et octobre 1949, malgré encore quelques jolies pièces, tout semble être dit ; Sam jette l'éponge, bousculé comme d'autres par de nouvelles formes de blues dans lesquelles il ne peut s'exprimer. Il refait surface avec Broonzy en 1953 pour une séance Chess mais, pendant que ce dernier gère admirablement une carrière européenne et raconte dans son livre que son "demi-frère" est devenu flic (ce qui apparaît proprement invraisemblable, notamment à cause de l'état éthylique habituel de Sam), celui-ci disparaît de la circulation. Blues Revival aidant, il repointe le bout de son nez dans quelques bars et clubs de Chicago , brièvement en 1961 puis en 1963 et 1964. Celle année-là, il enregistre quelques morceaux pour la chanteuse Victoria Spivey et effectue même une courte tournée en Europe. Mais, malgré les encouragements de Memphis Slim et de Willie Dixon, il semble se désintéresser de l'opération. Washboard Sam meurt quelques temps plus tard à Chicago des suites d'une crise cardiaque, le 13 novembre 1966. Si le profil même du personnage, d'après les témoignages (et surtout à cause de la faiblesse de ceux-ci), n'a pas l'air d'offrir d'intérêt particulier, sa personnalité artistique apparaît d'une toute autre envergure. Bien que "modelé" par Melrose et donc très représentatif du Bluebird beat tant au niveau du style de blues très marqué par son époque (1935/45) qu'à celui de l'accompagnement instrumental, par ailleurs excellent, Washboard Sam se distingue par un certain nombre de traits forts. D'abord c'est une voix, forte, riche, naturellement profonde et puissante, pourvue d'un large vibrato qui, un peu plus travaillée et dans un contexte différent, en aurait fait un blues shouter, surtout s'il avait donné un peu plus de passion et d'inflexions à son chant ; mais l'époque favorisait le ton neutre (voir Big Bill lui-même, Bumble Bee Slim, Peetie Wheatstraw, Bill Gaither et bien d'autres). C'est ensuite la qualité des textes ; même si certains, Memphis Slim et Broonzy en tête, revendiquent la paternité d'un certain nombre de blues signés "Robert Brown", on ne peut nier l'originalité et la cohérence du répertoire de Sam, ses qualités d'observateur ironique voire parfois cynique et impertinent. Enfin, et ce n'est pas le moindre intérêt de sa musique, il apporte, grâce à son instrument et à son sens parfait du timing, le swing qui fait encore parfois défaut au blues urbain. Tant dans les blues mi-lents que sur les tempos médium idéalement "balancés" ou lors d'irrésistibles jump blues rapides, il est celui qui a introduit l'élément rythmique à la percussion dans un combo de blues moderne, bien avant les premières batteries, souvent frustes et lourdes. Son jeu au washboard n'est ni "fleuri" (comme celui d'Amanda Sortier) ni très contrasté (comme celui de Oh Red), il est sobre, intraitable, rebondissant et formidablement swinguant, mais pas plus spectaculaire que sa planche à laver elle-même juste garnie d'un plateau de tourne-disques en guise de cymbale, voire d'une ou deux cloches à vaches et qu'il gratte à l'aide de dés à coudre. Washboard Sam est un véritable catalyseur d'orchestres et tous les bluesmen avec qui il a joué, quelque soit leur style, en ont profité. Comme un potier ou un sculpteur, avec leurs outils rudimentaires mais en même temps la précision du geste et la sensibilité qu'ils ont au bout des doigts, Washboard Sam était de ces musiciens qui avaient le don ou la faculté de donner vie au moindre morceau. Il fut un grand artisan du blues et, à ce titre, mérite largement sa place dans les meilleures pages du grand livre de l'histoire de cette musique. Jean Buzelin Nous avons essayé d'effectuer cette sélection dans l'œuvre de Washboard Sam à partir des meilleures sources, en particulier les 78 tours des collections de Jacques Demêtre, Jacques Morgantini et Robert Sacré que nous remercions une fois de plus. A côté de pièces "incontournables", nous avons choisi, chaque fois que c'était possible et à qualités sonore et musicale égales, des faces plus rares, sachant également que quatre titres fameux et différents figurent dans l'anthologieWashboard Story (EPM/Jazz Archives 157412). (1) Le washboard a été aperçu et mentionné par plusieurs observateurs au XIXe siècle dans les campagnes du Sud et il a perduré dans les régions pauvres et reculées après l'apparition de la batterie. "Découvert", semble-t-il, par les disques des Lem Fowler's Washboard Wonders en 1923, cet instrument pittoresque bénéficia d'une vogue certaine hors de son contexte rural dans les grandes villes du Nord, Chicago et New York, au tournant des années 20/30, franchissant même l'Atlantique et entrant aussi dans la panoplie loufoque de Spike Jones. Les Jimmy Bertrand Washboard Wizards (1926), Clarence Williams avec son Dixie Washboard Band (1926) avec Jasper Taylor et son Washboard Five (1928) avec Floyd Casey, Johnny Dodds et le Beale Street Washboard Band (1929) avec Baby Dodds, les Washboard Serenaders (1930) avec Bruce Johnson, les Washboard Rhythm Kings (1931), etc., ont été des formations très prisées dans le domaine jazz/variétés. Moins nombreux ont été les orchestres de blues à bénéficier d'enregistrements avant Washboard Sam, bien que le Tub Jug Washboard Band (1928), Washboard Walter (1929), le Walter Taylor Washboard Trio (1930), le Chasey Collins Washboard Band (1935 - voir Big Joe Williams Epm/Blues Collection 158552) ou encore le Eddie Kelly's Washboard Band (1937) aient laissé des faces intéressantes. (2) W.L.C. Broonzy et Yannick Bruynoghe, Big Bill Blues (Ludd, Paris 1987). (3) Interview de Memphis Slim par Francis Hofstein et Jacques Périn (Soul Bag n°108, hiver 1986). Less
Product added to wishlist