Liste des produits et biographie de Vic DICKENSON

Vic DICKENSON
Tromboniste de jazz américain

Victor "Vic" Dickenson est né le 6 août 1906 à Xenia (Ohio). Il récupère le trombone délaissé par son frère aîné qui préfère la clarinette. Il s'entraîne et uniquement d'oreille et arrive à maîtriser son instrument, car sa plus grande joie est de jouer de la musique.

Après les inévitables fanfares et orchestres d'école, il joue beaucoup dans les territory bands du Middle-West, avant d'entrer dans la formation renommée de Blanche Calloway, la sœur du célèbre Cab… Mais les occasions de briller en solo sont rares pour lui. On le retrouve très vite dans l'orchestre du pianiste Claude Hopkins, puis dans le nouvel orchestre que Benny Carter venait de monter début 1939. Mais dans les enregistrements de ces excellentes formations, toujours pas de place pour des solos de Vic. C'est alors qu'il quitte Carter pour entrer chez Count Basie en 1940, y prenant la place de Benny Morton.

Il est curieux de remarquer que Vic a enregistré relativement tard, se signalant à l'attention des amateurs par le disque qu'à partir de 1940, alors que d'autres trombones de sa génération, nés comme lui en 1906 ou 1907, avaient acquis depuis longtemps, une solide réputation et gravé des dizaines de disques tels les Dickie Wells, Sandy Williams, J.C. Higginbotham ou Benny Morton! En fait, il n'était pas dans les bons orchestres au bon moment tout le long des années 30. Mais, lors de sa première séance avec Basie, Vic à l'occasion de jouer en solo dans trois des quatre titres gravés ce jour la, dont I Never Knew où il prend un chorus de 32 mesures, dont le middle-part est réservé à Count Basie lui même. Notez que le premier solo de trombone de 8 mesures, de ce titre, a Dickie Wells pour auteur.

Mais, en fait, Victor Dickenson n'aime pas trop les grands orchestres, la discipline obligatoire et les fréquentes répétitions ne sont pas de son goût et de plus, chez Basie, peu de place pour les solos de trombone, car le Count a toujours préféré donner la vedette dans son big band, aux saxo-ténors et aux trompettes. Se trouvant frustré, après quelques mois seulement, il quitte Basie pour entrer de nouveau chez Benny Carter qui lui donne dans My Favorite Blues un solo de 24 mesures! Cependant il quittera Benny et ce sera sa dernière expérience avec un grand orchestre. Il jouera alors avec des petites formations, tout en reconnaissant que sa renommée date de son passage dans les rangs de la formations de Count Basie. A partir de 1941, il joue avec Sidney Bechet, puis Frank Newton, mais c'est depuis fin 1943 qu'il enregistre abondamment, devenant un des trombones les plus demandés dans le business.

Les marques indépendantes comme Blue Note et C.M.S. donnent à Vic toutes les chances de briller avec diverses formations de studio. L'année 1944 sera une très grande année pour lui, "un très grand cru". Nous avons, ici, des titres de toutes ces séances organisées par Blue Note, au cours desquelles on retrouve souvent les mêmes musiciens, et quels partenaires, rien moins que l'admirable Sidney De Paris à la trompette, Edmond Hall remplacé pour une séance par Ben Webster, avec des sections rythmiques dominées par l'infaillible Big Sid Catlett, la brillante partie de piano de James P. Johnson, et la guitare inspirée de Jimmy Shirley. Chacune des interventions de Vic est un modèle d'équilibre et de maîtrise. Son imagination fertile lui permettant de se renouveler complètement d'une prise à l'autre d'un même morceau. C'est sa technique personnelle, très particulière, son vibrato, son growl, ses phrases presque parlées, ses notes étranglées, qui font de lui un exceptionnel interprète de blues (Joy Mentin', Blue Mizz n°2)

On le trouve en 1944 sous la houlette du pianiste de blues et de boogie woogie Albert Ammons aux côtés de Hot Lips Page considéré par beaucoup comme le trompettiste jouant le mieux le blues. Dans Bottom Blues Vic fait largement jeu égal avec Hot Lips, se haussant à son niveau dans un solo mémorable! Il est tout aussi éloquent avec le même Hot Lips dès le début de Lady In Bed! Très prisé par Sidney Bechet qui tenait à l'avoir à ses côtés à chaque fois que cela était possible, Vic au cours de Saint Louis Blues est aussi convaincant que son célèbre partenaire, lui aussi un redoutable et lyrique champion du blues de 12 mesures! Et lorsqu'il abandonne ce thème, il n'est pas moins à l'aise dans son solo de After You'Ve Gone!

Sous la direction d'Edmond Hall, avec cette fois Emmett Berry et le pianiste Eddie Heywood, qui deviendra peu après son employeur pour près de trois années, Victor dès les premières mesures de Café Society Blues plonge l'auditeur et ses partenaires dans le vif du sujet par deux chorus de blues dramatiques et intenses.

C'est peu de dire que Vic Dickenson est un trombone original! Sa sonorité pleine, charnue, souvent chargé d'un growl efficace, ses notes étranglées, ses phrases goguenardes, son humour musical font de lui un "orateur" idéal pour le blues, nous l'avons déjà dit, mais aussi sur tous les autres thèmes, comme dans sa célèbre interprétation de You Made Me Love You travaillant les notes, faisant parler son trombone dans son long solo, prenant son temps, à la fois paresseux et disert, multipliant les gags et les clins d'œil! Du travail d'orfèvre émanant d'un véritable "artisan des sons"!

En 1944, Vic entre dans la petite formation régulière du pianiste Eddie Heywood qui officiait alors au Café Society Downtown à New York. Il devait rester avec Eddie jusqu'en Août 1946. Coïncidence ou pas, il quitte ce groupement au moment où il a de sérieux ennuis de santé, mais aussi à un moment où il était lassé de ne pas recevoir de son chef une augmentation de salaire qu'il pensait mériter amplement. Devenu musicien indépendant, sa compétence, sa renommée, son extrême gentillesse lui permettent de trouver, aisément du travail. Il parcourt le monde, participe à de multiples festivals, il est aussi très sollicité par tous les musiciens blancs dits de "Dixieland", qui se produisaient dans la région de New York. Charmant compagnon, soliste original et brillant, très à l'aise dans les improvisations collectives où sa partie de trombone, toujours en place, était d'une grande efficacité pour asseoir et enrichir les ensembles, il n'est pas étonnant que les Wild Bill Davidson, Bobby Hackett, Pee Wee Russell… aient souvent fait appel à lui.

Mais nous avons préféré sélectionner des titres où il joue avec des partenaires d'un niveau très supérieur, les Sidney De Paris, Hot Lips Page, Sidney Bechet, James P. Johnson, Albert Ammons…

Son idole a été de tous temps Louis Armstrong et cela est décelable dans son jeu, et dans Blues At Blue Note avec Edmond Hall et Sidney De Paris, il va jusqu'à reprendre sur son trombone le célèbre chorus que Louis Armstrong avait improvisé sur Gully Low Blues en 1927, voulant rendre en musique, un hommage appuyé à celui qu'il admirait tant. Aussi ce fût une immense joie pour lui que d'enregistrer avec Louis en compagnie de Barney Bigard et Zutty Singleton. Dans Sugar son solo est en tous points remarquable, il vivait enfin son rêve, enregistrer aux côtés de grand Satchmo!

Si Vic pouvait jouer avec le succès que l'on sait avec les musiciens de la tradition New Orleans, il était tout aussi à l'aise avec des musiciens plus moderne, c'est ainsi qu'on le trouve avec Coleman Hawkins en 1945 sur un thème aux harmonies subtiles I'm Through With Love, également avec Lester Young avec lequel il était resté très lié depuis leur présence commune en 1940 dans les rangs de l'orchestre de Count Basie. D.B. Blues pour Detention Barrack Blues fait allusion aux démêlés de Lester avec la discipline militaire, au cours de sa catastrophique période dans l'armée de l'Oncle Sam!

Musicien omniprésent sur le devant de la scène du jazz, jusqu'à sa fin en 1985, Vic Dickenson a sur conquérir l'estime de ses partenaires et celle de milliers d'amateurs qui appréciaient sa classe, son humour pince-sans-rire, son sens du blues, sa régularité, sa constante hauteur d'inspiration,… nous comprenons aisément les raisons de son immense popularité!

 

Jacques Morgantini

 

Victor “Vic” Dickenson was born on 6 August 1906 in Xenia, Ohio. He inherited his older brother’s trombone when the latter decided he preferred clarinet. He taught himself to play by ear and, by dint of regular practise, together with his love of making music, soon mastered his instrument. After playing with the usual brass and school bands, he appeared regularly in the Territory bands of the Mid-West before joining Blanche Calloway’s formation, sister of the famous Cab Calloway. But he was given few solo opportunities and soon moved on to pianist Claude Hopkins’ orchestra, then to the new band that Benny Carter had just formed at the beginning of 1939. But none of the recordings of these excellent groups featured Dickenson solo so, in 1940, he left Carter for Count Basie, replacing Benny Morton.

It is odd that Dickenson started to record relatively late, only becoming known to fans through his records from 1940 on, while other trombonists of his generation, born in 1906 or 1907, such as Dickie Wells, Sandy Williams, J.C. Higginbotham and Benny Morton, had already made a name for themselves and cut dozens of records. In fact, throughout the 30s he was not in the right orchestras at the right time. But, on his first session with Basie, Dickenson got the chance to play solo on three of the four sides recorded, including I Never Knew on which he takes a 32-bar chorus with the middle part reserved for Basie himself and the first 8-bar solo being provided by Dickie Wells.

However, Dickenson was not really enamoured of big bands, finding the discipline and frequent rehearsals irksome. In addition, with Basie there was little room for trombone solos for the Count always preferred to give the feature spot to tenor saxes and trumpets. So, after only a few months, feeling frustrated, he left Basie and returned to Benny Carter who, on My Favourite Blues, gave him a 24-bar solo! Yet he left Benny and this was to be his last experience with a big band. He went on to play with small groups although he admitted that he owed his reputation to the time spent with Basie. From 1941 onwards he played with Sidney Bechet, then Frank Newton, but it was only towards the end of 1943 that he began to record regularly, becoming one of the most sought-after trombonists in the business.

Independent labels like Blue Note and C.M.S. gave Dickenson the chance to shine with numerous studio bands. 1944 was an outstanding year for him and we have included here titles from all the Blue Note sessions, which often included the same musicians, such as Sidney De Paris on trumpet, Edmond Hall replaced on one session by Ben Webster, with rhythm sections dominated by the always reliable Big Sid Catlett, the brilliant piano of James P. Johnson and the inspired guitar of Jimmy Shirley. All Dickenson’s contributions are masterly, his fertile imagination completely changing a piece from one take to the next. His very personal technique, his vibrato, his growl, his almost spoken phrases and his strangled notes make him an exceptional interpreter of the blues (Joy Mentin’, Blue Mizz N° 2).

In 1944 he recorded with a formation fronted by blues and boogie pianist Albert Ammons, alongside Hot Lips Page, considered by many as the best ever blues trumpeter. On Bottom Blues Page inspires Dickenson to incredible heights in a memorable solo. Both he and Page are equally eloquent throughout Lady In Bed. Sidney Bechet was a great admirer of Dickenson and liked to have him playing alongside whenever possible. On St. Louis Blues the trombonist is just as convincing as his famous partner, another formidable champion of the 12-bar blues, and he is equally relaxed on After You’ve Gone.

Under the leadership of Edmond Hall, this time with Emmett Berry and Eddie Heywood who, shortly after, became his employer for almost three years, Dickenson opens Café Society Blues with two dramatically intense blues choruses that plunge the listener and his partners straight into the heart of the subject.

As we have already said, Vic Dickenson’s full, throaty tone, strangled notes, his growl, mocking phrasing and his musical sense of humour make him an ideal blues player but he also knows how to make his trombone talk on other themes, as on his long and famous solo on You Made Me Love You where he takes his time, lazily fluent, with a nudge here and a wink there! The work of a true “sound merchant”.

In 1944 Dickenson joined Eddie Heywood’s regular small band that played at the Café Society Downtown in New York and he stayed with him until August 1946. Although he left the group at a time when he was having serious health problems, it was probably also because his boss refused him the rise he thought he deserved. As a freelance musician his competence, his reputation and his overall niceness as a person made it easy for him to get work. He travelled world-wide, took part in numerous festivals and was also in great demand by so-called Dixieland white musicians playing in the New York area. A charming man, a brilliant and original soloist, also at ease on collective improvisations where his trombone provided a solid backing, it is not surprising that musicians such as Wild Bill Davidson, Bobby Hackett and Pee Wee Russell frequently called on his services. But in the present compilation we have chosen to feature titles on which he is partnered by really top-class names—Sidney De Paris, Hot Lips Page, Sidney Bechet, James P. Johnson, Albert Ammons…

That Louis Armstrong always remained his idol is evident in his playing and on Blues At Blue Note with Edmond Hall and Sidney De Paris, he even goes so far as to take up on trombone the famous chorus that Armstrong improvised on Gully Low Blues in 1927, a musical homage to a musician he admired so much. His dream finally came true when he recorded with the great Satchmo, alongside Barney Bigard and Zutty Singleton. His solo on Sugar is outstanding!

While Dickenson loved playing with traditional new Orleans musicians, he was also comfortable with more modern ones e.g. with Coleman Hawkins in 1945 on the subtle harmonies of I’m Through With Love  and with Lester Young, to whom he had always been close since their Basie days. D.B. Blues and Detention Barrack Blues are based on Lester’s problems with army discipline during his catastrophic stint with the US army!

Until his death in 1985, Vic Dickenson was a permanent figure on the jazz scene, appreciated by his fellow musicians and by thousands of fans for his class, his po-faced humour, his feeling for the blues and his unfailing inspiration. No wonder he was so popular!

 

Adapted from the French by Joyce Waterhouse

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