Bessie SMITH / SINGS THE BLUES
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Bessie SMITH / SINGS THE BLUES

R425
8,00 €
TTC
1 CD /  BESSIE SMITH SINGS THE BLUES 
BLUES COLLECTION HISTORIC RECORDINGS

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BESSIE SMITH SINGS THE BLUES

 

1 BLACK WATER BLUES                             3'17''

Smith

2 JAILHOUSE BLUES                                   3'23''

Smith / Williams

 

3 WEEPING WILLOW BLUES                      3'07''

Carter

 

4 ST. LOUIS BLUES                                      3'09''

Handy

 

5 COLD IN HAND BLUES                             3'12''

Gee / Longshaw

 

6 I USED TO BE YOUR SWEET MAMA       2'48''

Miller / Longshaw

 

7 EMPTY BED BLUES (PARTS 1-2)             6'19''

Johnson

 

8 ALEXANDER'S RAGTIME BAND               3'03''

Berlin

 

9 CARELESS LOVE                                      3'28''

Handy

 

10 CAKE WALKIN' BABIES FOR HOME      3'11''

Smith - Troy / Williams

 

11 AFTER YOU'VE GONE                            2'59'

Creamer / Laylon

 

12 TROMBONE CHOLLY                              3'13''

Brooks

 

13 ME AND MY GIN                                      2'52''

Burke

 

14 SAFETY MAMA                                        3'24''

Smith

 

15 IN THE HOUSE BLUES                           3'00''

Smith

 

16 NOBODY KNOWS YOU WHEN YOU'R DOWN AND OUT  2'59''

Cox

 

17 TAKE IT RIGHT BACK                             3'22''

Gray

 

18 HE'S GOT ME GOING                              3'14''

Gray

 

19 KITCHEN MAN                                         2'57''

Razaf

 

20 DO YOUR DUTY                                      3'26''

L. & W. Wilson

 

21 GIMME A PIGFOOT                                 3'28''

L. & W. Wilson

 

22 I'M DOWN IN THE DUMPS                      3'10''

L. & W. Wilson


Bessie SMITH

 

«Le jour de février 1923 où Bessie Smith pénètre en studio et reprend le Down Hearted Blues d'Alberta Hunter, c'est une révélation. Tout bascule d'un coup avec cette voix de contralto puissante, ce chant d'une profondeur dramatique inouïe, ce pouvoir de persuasion que n'appuie aucun sentimentalisme. Une sorte de beauté pure emplit le pavillon d'enregistrement, saisit le studio et se reproduit sur des centaines de milliers de 78 tours. L'Art vocal afro-américain s'impose réellement ce jour-là, il naît du dépassement et de la sublimation du combat quotidien de l'homme (et de la femme !) noir dans l'Amérique blanche.»(1) C'est précisément ce Down Hearted Blues , couplé à Gulf Coast Blues, premier disque de Bessie Smith publié, qui ouvre notre recueil entiièrement constitué de duos chant-piano. Curieuse idée dirons certains alors que la chanteuse a enregistré avec les plus grands jazzmen du moment, Louis Armstrong en tête. Mais ces faces ont été tellement rééditées, elles figurent sur tellement de "Best Of" qu'il nous a paru intéressant de faire ressortir cette voix extraordinaire uniquement soutenue, parfois stimulée ou simplement suivie par un pianiste ; accompagnement minimum, voix au premier plan présente dans toute sa force, sa puissance, sa majesté, voix magnifique et bouleversante, éclatante et douloureuse, rayonnante et grave. Nombre d'amateurs avaient fini par préférer, écouter d'abord les commentaires et les contrechants instrumentaux, négligeant presque la partie vocale. Voilà donc une occasion de corriger peut-être quelques habitudes d'écoute. La plus grande chanteuse de blues de l'Histoire mérite bien cela. Bessie Smith est née à Chattanooga (Tennessee) probablement le 15 avril 1894. Orpheline très jeune, livrée très tôt à elle-même, elle chante dans les rues de sa ville dès 1903 avant de se joindre à des troupes de spectacles itinérantes. Elle a l'occasion de croiser à Atlanta en 1910 la "Mère du Blues", Ma Rainey, puis joue le rôle du partenaire féminin dans le duo Burton & Burton en 1912/13. Chanteuse soliste en 1915, vedette de la troupe "Florida Blossoms", Bessie parcourt le Sud de long en large, ne s'aventurant dans le Nord qu'en 1922, à Philadelphie où elle monte son propre orchestre. Bien que le terrain soit déjà largement occupé par de nombreuses stars du vaudeville blues, elle est remarquée par Clarence Williams, jeune musicien et éditeur néo-orléanais aux dents longues qui lui obtient une séance chez Columbia et s'installe lui-même au piano, comme il le fera des quantités de fois auprès de chanteuses, chanteurs et musiciens en tout genre. Auteur-compositeur à succès, directeur artistique ambitieux, organisateur d'innombrables séances, Clarence Williams n'a jamais laissé un grand souvenir en tant que pianiste, chacun soulignant sa neutralité. Il accompagnait, point. Et surtout se chargeait d'apposer sa griffe sur de nombreuses partitions et savait signer les contrats à son avantage, Bessie en fit les frais. Car si Down Hearted Blues se vendit à 780.000 exemplaires, paraît-il, le verso, Gulf Coast Blues qui porte sa signature, fit tomber autant de sous dans son tiroir-caisse personnel, la chanteuse n'ayant probablement reçu que le montant de la séance. «Une écoute comparative des premiers enregistrements de Bessie est, à cet égard, révélatrice, écrit Florence Martin, auteur d'un très beau livre sur Bessie Smith. Clarence Williams exécute au piano un accompagnement assez fort, sans pratiquement moduler le volume sur la voix de la chanteuse : l'auditeur ne perçoit pas de différence marquée entre le jeu de répons du pianiste (...) et son jeu d'accompagnement (...). C'est comme si Clarence Williams ne voulait pas "retenir" le son au cours de l'enregistrement. Sa présence demeure à tout moment envahissante et pèche par sa fadeur.»(2) On peut trouver le jugement un peu sévère car, en particulier dans ses faces en solo, Clarence savait s'impliquer dans son jeu quand il le voulait. Mais Florence Martin voit juste lorsqu'elle ajoute : «L'accompagnement de son successeur, Fletcher Henderson, est d'une tout autre facture, empreint de légèreté et se permettant d'exquises fantaisies. Nuancé, il établit un véritable jeu d'appel-et-répons entre Bessie et le pianiste. Quand son piano soutient le chant, il se fait discret, diminue le volume, réduit son accompagnement à une ligne mélodique simple et efficace. Quand, par contre, il s'agit d'illustrer le blues, c'est-à-dire de lui donner "du répondant", Fletcher Henderson multiplie les astuces : ainsi, dans Bleeding Hearted Blues, il suit le cheminement du texte, l'illustre et lui répond avec verve. (...). L'ouverture de Fletcher qui précède l'introduction de Bessie laisse présager une chanson triste : il s'agit de quelques phrases de blues assez typiques, exécutées avec lenteur, voire lourdeur, comme si le pianiste, lui aussi souffrant de ce mal-vivre que décrit la chanteuse, ne parvenait pas à l'exprimer. Puis, lorsque Bessie chante les trois premières lignes de l'introduction, Fletcher joue un accompagnement sobre qui répète un accord dissonant (...) à la main droite, comme pour faire écho aux mots de Bessie (...) ; il développe ensuite un petit modèle mélodique (ou riff) entre les deux tercets, et, sans abandonner le principe de la dissonnance (qui traduit le malaise profond de la narratrice), élabore un accompagnement qui "parle" un peu plus. De connivence avec la narratrice (...), le pianiste ne concentre plus son expression dans la réitération première des accords dissonnants, mais commence à "raconter", lui aussi, autour de ces accords originels. Les deux voix paraissent en parfaite entente : la voix du piano s'atténue pour mettre en majesté la voix de la chanteuse, puis retentit, seule, pour répondre en une envolée concise mais expressive à ses tristes paroles.»(2) Lors de ses futures séances, Bessie Smith retrouvera souvent, comme accompagnateurs soit en soliste soit en compagnie d'autres musiciens, Clarence Williams et Fletcher Henderson, l'un comme l'autre très présents dans les studios. Mais, tandis que Fletcher quitte provisoirement son clavier, deux musiciens qui n'ont pas laissé grand souvenir se partagent la tâche : Irving Johns, qui était alors son accompagnateur régulier sur scène et son directeur musical, et Jimmy Jones, bons professionnels l'un comme l'autre. Le premier, que le sens du blues n'étouffe pas, ne "pousse" pas la chanteuse mais décore volontiers le chant de quelques fioritures ; le second, vaguement plus jazzy, distille un accompagnement un peu plus présent, plus enveloppant. L'un comme l'autre plus Henderson vont se partager les séances suivantes en petites formations — on trouvera également le compositeur Porter Grainger qui n'accompagna jamais seul la chanteuse — jusqu'à l'apparition, à la fin de l'année 1924, d'un nouveau directeur musical, Fred Longshaw. Si celui-ci bénéficie auprès des amateurs d'un peu plus d'indulgence, c'est essentiellement grâce à sa présence, aux côtés de Louis Armstrong, dans les fameux St. Louis Blues et Reckless Blues où il joue de l'harmonium. Si le pianiste n'a rien d'un génie, il comprend assez bien sa patronne et fourni un accompagnement assez meublé qui ne laissa pas insensible un chroniqueur de l'époque comme Tony Langston :«Après la première chanson de Bessie (...), son pianiste, Fred Longshaw, se lança dans un solo époustoufflant qui laissa tout le monde pantois.»(2) Quoique un peu septique, Florence Martin souligne la complicité musicale qui existe entre Bessie et son pianiste qu'on entendra ponctuellement avec elle sur disques jusqu'en 1928. Mais, en 1927, un musicien d'une toute autre envergure avait joint sa voix à celle de l'Impératrice, James P. Johnson, le grand pianiste stride. «Elle enregistre avec James P. Johnson (...) un blues de sa composition : Back Water Blues. Cette séance d'enregistrement est un véritable bonheur, en plus d'un scoop ! (...) Le piano de James P., s'il maintient la ligne de basse tandis que Bessie chante, se lance aussi dans des strides de toute beauté (...). Dans Back Water Blues, il peint le paysage lugubre décrit par Bessie dans la chanson : on entend le tonnerre gronder, le vent souffler en rafales, les torrents d'eau se déverser. Puis le piano de Johnson gémit avec la narratrice privée de maison et lui donne la réplique avec justesse.»(2) Nul doute que, de tous les pianistes qui enregistrèrent avec la chanteuse, James P. Johnson fût le plus passionnant. Non catalogué "pianiste de blues", son sens musical, sa technique et son expérience — il a accompagné d'autres chanteurs et chanteuses — écartaient facilement les obstacles que peut poser le blues à ceux qui ne "respirent" pas cette musique (voir les Johns et Jones cités plus haut). Il n'est pas le seul, d'autres pianistes issus du mouvement stride se montrèrent à l'occasion grands bluesmen : Fats Waller derrière d'autres chanteuses, Willie "The Lion" Smith et Art Tatum derrière Big Joe Turner... un grand jazzman est forcément un grand bluesman ! Si Back Water Blues, dans sa simplicité même, dans son dépouillement, demeure l'un des chefs-d'œuvre absolus de l'histoire du blues, d'autres titres gravés ultérieurement avec le grand pianiste atteignent des hauteurs impressionnantes, même si la «vie tumultueuse et nourrie d'excès semble avoir déjà brisé quelque chose en Bessie, dont la voix perd de l'ampleur en se chargeant d'une douleur pathétique.»(1) Après le tournage, en 1929, du film «St. Louis Blues» dont Johnson est d'ailleurs le chef d'orchestre, la carrière de Bessie Smith marque le pas. Crise économique, nouvelles modes musicales, l'âge d'or du "blues classique" est révolu. Et c'est encore Clarence Williams, toujours là, qui s'installera sur le tabouret du piano dans les dernières sessions Columbia jusqu'en 1931.(3) Bessie essaiera tant bien que mal de survivre, voire de s'adapter aux nouvelles formes — son ultime séance en 1933 en donne un éclairage — et continue à se produire dans les revues des grands music-halls de Harlem. Mais c'est en tournée dans le Sud, comme à ses débuts, que la fière Impératrice rendra l'âme, suite à un accident de voiture et au manque de soins qui a suivi, le 25 septembre 1937 aux environs de Clarksdale (Mississippi). À présent durablement installé sur les plus hautes marches du panthéon de l'Histoire, non seulement du blues, de la musique afro-américaine, mais de l'art vocal populaire du XXe siècle dans son ensemble, le nom de Bessie Smith est si connu qu'on ne prend peut-être plus la peine de réellement écouter la chanteuse. Ce modeste disque n'a d'autre ambition que, débarrassées des mythes et dépouillées de toute enjolivure instrumentale, ces quelques chansons rappellent à certains l'envergure d'une interprète et la dimension d'une voix. Celle qui véhicule le drame, la joie et la vie tout simplement   

«Le jour de février 1923 où Bessie Smith pénètre en studio et reprend le Down Hearted Blues d'Alberta Hunter, c'est une révélation. Tout bascule d'un coup avec cette voix de contralto puissante, ce chant d'une profondeur dramatique inouïe, ce pouvoir de persuasion que n'appuie aucun sentimentalisme. Une sorte de beauté pure emplit le pavillon d'enregistrement, saisit le studio et se reproduit sur des centaines de milliers de 78 tours. L'Art vocal afro-américain s'impose réellement ce jour-là, il naît du dépassement et de la sublimation du combat quotidien de l'homme (et de la femme !) noir dans l'Amérique blanche.»(1) C'est précisément ce Down Hearted Blues , couplé à Gulf Coast Blues, premier disque de Bessie Smith publié, qui ouvre notre recueil entiièrement constitué de duos chant-piano. Curieuse idée dirons certains alors que la chanteuse a enregistré avec les plus grands jazzmen du moment, Louis Armstrong en tête. Mais ces faces ont été tellement rééditées, elles figurent sur tellement de "Best Of" qu'il nous a paru intéressant de faire ressortir cette voix extraordinaire uniquement soutenue, parfois stimulée ou simplement suivie par un pianiste ; accompagnement minimum, voix au premier plan présente dans toute sa force, sa puissance, sa majesté, voix magnifique et bouleversante, éclatante et douloureuse, rayonnante et grave. Nombre d'amateurs avaient fini par préférer, écouter d'abord les commentaires et les contrechants instrumentaux, négligeant presque la partie vocale. Voilà donc une occasion de corriger peut-être quelques habitudes d'écoute. La plus grande chanteuse de blues de l'Histoire mérite bien cela. Bessie Smith est née à Chattanooga (Tennessee) probablement le 15 avril 1894. Orpheline très jeune, livrée très tôt à elle-même, elle chante dans les rues de sa ville dès 1903 avant de se joindre à des troupes de spectacles itinérantes. Elle a l'occasion de croiser à Atlanta en 1910 la "Mère du Blues", Ma Rainey, puis joue le rôle du partenaire féminin dans le duo Burton & Burton en 1912/13. Chanteuse soliste en 1915, vedette de la troupe "Florida Blossoms", Bessie parcourt le Sud de long en large, ne s'aventurant dans le Nord qu'en 1922, à Philadelphie où elle monte son propre orchestre. Bien que le terrain soit déjà largement occupé par de nombreuses stars du vaudeville blues, elle est remarquée par Clarence Williams, jeune musicien et éditeur néo-orléanais aux dents longues qui lui obtient une séance chez Columbia et s'installe lui-même au piano, comme il le fera des quantités de fois auprès de chanteuses, chanteurs et musiciens en tout genre. Auteur-compositeur à succès, directeur artistique ambitieux, organisateur d'innombrables séances, Clarence Williams n'a jamais laissé un grand souvenir en tant que pianiste, chacun soulignant sa neutralité. Il accompagnait, point. Et surtout se chargeait d'apposer sa griffe sur de nombreuses partitions et savait signer les contrats à son avantage, Bessie en fit les frais. Car si Down Hearted Blues se vendit à 780.000 exemplaires, paraît-il, le verso, Gulf Coast Blues qui porte sa signature, fit tomber autant de sous dans son tiroir-caisse personnel, la chanteuse n'ayant probablement reçu que le montant de la séance. «Une écoute comparative des premiers enregistrements de Bessie est, à cet égard, révélatrice, écrit Florence Martin, auteur d'un très beau livre sur Bessie Smith. Clarence Williams exécute au piano un accompagnement assez fort, sans pratiquement moduler le volume sur la voix de la chanteuse : l'auditeur ne perçoit pas de différence marquée entre le jeu de répons du pianiste (...) et son jeu d'accompagnement (...). C'est comme si Clarence Williams ne voulait pas "retenir" le son au cours de l'enregistrement. Sa présence demeure à tout moment envahissante et pèche par sa fadeur.»(2) On peut trouver le jugement un peu sévère car, en particulier dans ses faces en solo, Clarence savait s'impliquer dans son jeu quand il le voulait. Mais Florence Martin voit juste lorsqu'elle ajoute : «L'accompagnement de son successeur, Fletcher Henderson, est d'une tout autre facture, empreint de légèreté et se permettant d'exquises fantaisies. Nuancé, il établit un véritable jeu d'appel-et-répons entre Bessie et le pianiste. Quand son piano soutient le chant, il se fait discret, diminue le volume, réduit son accompagnement à une ligne mélodique simple et efficace. Quand, par contre, il s'agit d'illustrer le blues, c'est-à-dire de lui donner "du répondant", Fletcher Henderson multiplie les astuces : ainsi, dans Bleeding Hearted Blues, il suit le cheminement du texte, l'illustre et lui répond avec verve. (...). L'ouverture de Fletcher qui précède l'introduction de Bessie laisse présager une chanson triste : il s'agit de quelques phrases de blues assez typiques, exécutées avec lenteur, voire lourdeur, comme si le pianiste, lui aussi souffrant de ce mal-vivre que décrit la chanteuse, ne parvenait pas à l'exprimer. Puis, lorsque Bessie chante les trois premières lignes de l'introduction, Fletcher joue un accompagnement sobre qui répète un accord dissonant (...) à la main droite, comme pour faire écho aux mots de Bessie (...) ; il développe ensuite un petit modèle mélodique (ou riff) entre les deux tercets, et, sans abandonner le principe de la dissonnance (qui traduit le malaise profond de la narratrice), élabore un accompagnement qui "parle" un peu plus. De connivence avec la narratrice (...), le pianiste ne concentre plus son expression dans la réitération première des accords dissonnants, mais commence à "raconter", lui aussi, autour de ces accords originels. Les deux voix paraissent en parfaite entente : la voix du piano s'atténue pour mettre en majesté la voix de la chanteuse, puis retentit, seule, pour répondre en une envolée concise mais expressive à ses tristes paroles.»(2) Lors de ses futures séances, Bessie Smith retrouvera souvent, comme accompagnateurs soit en soliste soit en compagnie d'autres musiciens, Clarence Williams et Fletcher Henderson, l'un comme l'autre très présents dans les studios. Mais, tandis que Fletcher quitte provisoirement son clavier, deux musiciens qui n'ont pas laissé grand souvenir se partagent la tâche : Irving Johns, qui était alors son accompagnateur régulier sur scène et son directeur musical, et Jimmy Jones, bons professionnels l'un comme l'autre. Le premier, que le sens du blues n'étouffe pas, ne "pousse" pas la chanteuse mais décore volontiers le chant de quelques fioritures ; le second, vaguement plus jazzy, distille un accompagnement un peu plus présent, plus enveloppant. L'un comme l'autre plus Henderson vont se partager les séances suivantes en petites formations — on trouvera également le compositeur Porter Grainger qui n'accompagna jamais seul la chanteuse — jusqu'à l'apparition, à la fin de l'année 1924, d'un nouveau directeur musical, Fred Longshaw. Si celui-ci bénéficie auprès des amateurs d'un peu plus d'indulgence, c'est essentiellement grâce à sa présence, aux côtés de Louis Armstrong, dans les fameux St. Louis Blues et Reckless Blues où il joue de l'harmonium. Si le pianiste n'a rien d'un génie, il comprend assez bien sa patronne et fourni un accompagnement assez meublé qui ne laissa pas insensible un chroniqueur de l'époque comme Tony Langston :«Après la première chanson de Bessie (...), son pianiste, Fred Longshaw, se lança dans un solo époustoufflant qui laissa tout le monde pantois.»(2) Quoique un peu septique, Florence Martin souligne la complicité musicale qui existe entre Bessie et son pianiste qu'on entendra ponctuellement avec elle sur disques jusqu'en 1928. Mais, en 1927, un musicien d'une toute autre envergure avait joint sa voix à celle de l'Impératrice, James P. Johnson, le grand pianiste stride. «Elle enregistre avec James P. Johnson (...) un blues de sa composition : Back Water Blues. Cette séance d'enregistrement est un véritable bonheur, en plus d'un scoop ! (...) Le piano de James P., s'il maintient la ligne de basse tandis que Bessie chante, se lance aussi dans des strides de toute beauté (...). Dans Back Water Blues, il peint le paysage lugubre décrit par Bessie dans la chanson : on entend le tonnerre gronder, le vent souffler en rafales, les torrents d'eau se déverser. Puis le piano de Johnson gémit avec la narratrice privée de maison et lui donne la réplique avec justesse.»(2) Nul doute que, de tous les pianistes qui enregistrèrent avec la chanteuse, James P. Johnson fût le plus passionnant. Non catalogué "pianiste de blues", son sens musical, sa technique et son expérience — il a accompagné d'autres chanteurs et chanteuses — écartaient facilement les obstacles que peut poser le blues à ceux qui ne "respirent" pas cette musique (voir les Johns et Jones cités plus haut). Il n'est pas le seul, d'autres pianistes issus du mouvement stride se montrèrent à l'occasion grands bluesmen : Fats Waller derrière d'autres chanteuses, Willie "The Lion" Smith et Art Tatum derrière Big Joe Turner... un grand jazzman est forcément un grand bluesman ! Si Back Water Blues, dans sa simplicité même, dans son dépouillement, demeure l'un des chefs-d'œuvre absolus de l'histoire du blues, d'autres titres gravés ultérieurement avec le grand pianiste atteignent des hauteurs impressionnantes, même si la «vie tumultueuse et nourrie d'excès semble avoir déjà brisé quelque chose en Bessie, dont la voix perd de l'ampleur en se chargeant d'une douleur pathétique.»(1) Après le tournage, en 1929, du film «St. Louis Blues» dont Johnson est d'ailleurs le chef d'orchestre, la carrière de Bessie Smith marque le pas. Crise économique, nouvelles modes musicales, l'âge d'or du "blues classique" est révolu. Et c'est encore Clarence Williams, toujours là, qui s'installera sur le tabouret du piano dans les dernières sessions Columbia jusqu'en 1931.(3) Bessie essaiera tant bien que mal de survivre, voire de s'adapter aux nouvelles formes — son ultime séance en 1933 en donne un éclairage — et continue à se produire dans les revues des grands music-halls de Harlem. Mais c'est en tournée dans le Sud, comme à ses débuts, que la fière Impératrice rendra l'âme, suite à un accident de voiture et au manque de soins qui a suivi, le 25 septembre 1937 aux environs de Clarksdale (Mississippi). À présent durablement installé sur les plus hautes marches du panthéon de l'Histoire, non seulement du blues, de la musique afro-américaine, mais de l'art vocal populaire du XXe siècle dans son ensemble, le nom de Bessie Smith est si connu qu'on ne prend peut-être plus la peine de réellement écouter la chanteuse. Ce modeste disque n'a d'autre ambition que, débarrassées des mythes et dépouillées de toute enjolivure instrumentale, ces quelques chansons rappellent à certains l'envergure d'une interprète et la dimension d'une voix. Celle qui véhicule le drame, la joie et la vie tout simplement   IE SMITH—THE EMPRESS AND THE PIANIST (1923-1931) “There was a day in February 1923 when Bessie Smith went into a studio to record Alberta Hunter’s Down Hearted Blues that was to be a revelation. Suddenly everything was changed by that powerful contralto, by an unparalleled dramatic depth, a persuasive power that owed nothing to sentimentality. The pure beauty that resounded through the amplifiers, stunning everyone in the studio, would be reproduced on thousands of 78s. Afro-American vocal art, born from the daily struggle of black American men (and women!) in white American society, had found its voice.”(1) It is with this Down Hearted Blues, backed by Gulf Coast Blues, the first recording of Bessie Smith ever issued, that we have chosen to open this selection. But why a CD devoted entirely to piano-vocal duos when the singer recorded with some of the greatest jazzmen of the time, not least Louis Armstrong? Simply because all those sides have been reissued time and again and have provided the basis for countless “Best Of” compilations, we thought it more interesting to show what this extraordinary voice can achieve with just a piano accompaniment, that occasionally provides a stimulus but is often simply a backing to this majestic, powerful and overwhelming voice; a minimum accompaniment, underlining all the strength and power of this magnificent, unbelievable voice, full of both joy and pain. Many fans have shown a tendency to concentrate more on the instrumental backing, almost to the point of ignoring the vocal. This CD provides an opportunity to change certain listening habits. The greatest blues singer of all time surely merits that. Bessie Smith, born in Chattanooga, Tennessee, probably on 15 April 1894, was orphaned at an early age. With only herself to rely on, she started singing in the streets of her home town before joining travelling shows. In 1910, she met the “Mother of the Blues” Ma Rainey in Atlanta and then became the female half of the Burton & Burton duo in 1912/13. As star soloist of the “Florida Blossoms” troupe in 1915, Bessie played throughout the South, only going to the North in 1922 where she founded her own band in Philadelphia. Although there were numerous vaudeville blues stars around at the time, she was noticed by the young and avaricious New Orleans musician and publisher Clarence Williams who set up a session for her at Columbia, himself providing the piano backing as he so often did for countless singers and musicians. A successful song-writer, an ambitious artistic director and organiser of innumerable sessions, Clarence Williams never made his mark as a pianist. His playing was neutral, he was an accompanist—nothing more. But he managed to get his name on numerous compositions and certainly knew how to turn a contract to his advantage. And to the disadvantage of Bessie for, although 780,000 copies of Down Hearted Blues were sold, it appears that he alone reaped the profits from the backing side Gulf Coast Blues that, under his name, sold just as well while she was probably only paid for the session. In her excellent book on Bessie Smith Florence Martin describes Clarence Williams’ piano accompaniment as being loud with very little change of volume…it is difficult to pick out any marked difference between his “answers” to the vocal and when he is merely accompanying. She goes on to say that it is as if Clarence Williams refused to hold back during the recording, his presence remaining all-pervading and yet adding nothing.(2) A somewhat severe appreciation perhaps for, especially on his solo sides, Clarence knew how to play when he wanted to. But Florence Martin is absolutely right when she points out that the accompaniment of his successor Fletcher Henderson is altogether different: “his light touch, flights of fancy and delicate shading establishing a true rapport between Bessie and the pianist. The presence of the piano behind the vocal is always discreet, a simple yet efficient low, melodic line but, when it is a question of becoming an active participant in the blues, Fletcher Henderson brings all his gifts into play, as on Bleeding hearted Blues where he follows the lyrics, adding to them, imbuing them with enormous feeling. Fletcher’s opening phrases lead us to expect a sad song: a few typical slow blues phrases, played almost reluctantly as if the pianist, plunged into that same despair described by the vocalist, was incapable of expressing it. Then, while Bessie sings the first three lines of the introduction, Fletcher backs her with a series of discords, repeated by the right hand as an echo to Bessie’s words. He goes on to develop a melodic riff between the two triplets, still using dissonance to underline the essential sadness of the narrator but then moves into a more elaborate accompaniment that speaks for itself. Completely at one with the vocalist, the pianist now leaves his discords aside and begins to tell the story himself. Perfect complicity is established: the sound of the piano fading away to leave room for the majestic vocal, before taking off alone in a beautifully concise echo of her sad lyrics.”(2) Clarence Williams and Fletcher Henderson were much in demand by the studios, either as soloists or alongside other musicians, so Bessie Smith frequently recorded with them. But, when Fletcher was not available, he was replaced by two lesser-known musicians, scarcely remembered today: Irving Johns who regularly accompanied Bessie on her public appearances and Jimmy Jones, both professional artists in their own right. The former, not endowed with any deep feeling for the blues, never pushes the vocalist but rather embellishes the singing here and there, while the latter, slightly more jazzy in approach, provides a more enveloping sound. Both, with Henderson, participated in the following small group sessions—the composer Porter Grainger was also present on occasion but he never accompanied the vocalist alone—until the appearance on the scene at the end of 1924 of a new musical director, Fred Longshaw. His popularity with fans was mainly due to his appearance on harmonium, alongside Louis Armstrong, on the famous St. Louis Blues and Reckless Blues. While certainly no genius this pianist did understand Bessie and provided a fairly solid backing that impressed contemporary writer Tony Langston who is quoted by Florence Martin as describing how Longshaw launches into a solo after Bessie’s first song that is “amazing and flabbergasted everybody”.(2) Although a little sceptical herself, Florence Martin emphasises the musical complicity that existed between Bessie and Longshaw who continued to accompany her on record from time to time until 1928. However, in 1927 a musician of a completely different stature joined forces with her, the great stride pianist James P. Johnson. Again in Florence Martin’s opinion, the session when Bessie recorded her own composition Back Water Blues with Johnson was brilliant, a veritable scoop! While James P.’s left hand maintained the rhythm behind the singer, he himself also launched into extremely beautiful slides, painting the sombre scene depicted in Bessie’s lyrics: one can actually hear the peals of thunder, the gusts of wind, the torrential rain. Then his piano wails and answers her with perfect accuracy(2) No-one denies that, of all the pianists who recorded with the singer, James P. Johnson was the most passionate. Although not classed as a blues pianist, his musical sensitivity, technique and experience—he had accompanied other singers—enabled him to overcome difficulties that the blues may present to others who do not really “feel” this type of music (e.g. the Johns and Jones mentioned above). He was not the only one: other stride musicians sometimes revealed themselves to be great bluesmen: Fats Waller behind other singers, Willie “The Lion” Smith and Art Tatum behind Big Joe Turner…any great jazzman is automatically a great bluesman! While the very simplicity and sparseness of Back Water Blues make it one the most outstanding blues masterpieces of all time, other titles cut later with Johnson reach impressive heights, even though “her tumultuous life, her many excesses, already seemed to have broken something in Bessie and a painful pathos began to dim some of the richness of her voice.”(1) After making the film “St. Louis Blues” in 1929, in which Johnson was bandleader, Bessie Smith’s career began to grind to a halt. The Wall Street Crash and the arrival of new musical fashions, spelled the end of the golden age of classic blues. And it was again the ever-present Clarence Williams who once more placed her on a piano stool for the last Columbia sessions up to 1931.(3) Bessie did her best to keep going, even trying out new styles—as on her final session in 1933—and continued to appear in revues at the big Harlem music halls. But it was while on tour in the South, where she had started out, that the proud Empress finally succumbed, dying as the result of a car accident and the lack of care she received, on 25 September 1937, outside Clarksdale, Mississippi. Now firmly installed amongst the higher echelons, not only in the history of the blues and Afro-American music but also that of 20th century popular singing overall, the name of Bessie Smith is so well-known that perhaps we no longer take the time to really listen to her. We hope that the few songs presented here, straightforward and without any extraneous instrumentals, will remind some listeners of the stature of the interpreter and the dimensions of her voice, conveying its simple story of drama, joy and life.

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