Liste des produits et biographie de Barney BIGARD

Barney BIGARD
Clarinettiste de jazz américain

 

Barney Bigard est né à la Nouvelle-Orléans le 3 mars 1906. Contrairement aux vœux de sa famille, il n'embrasse pas tout de suite la carrière musicale préférant gagner sa vie comme graveur!  Il prend cependant des leçons avec le légendaire vétéran de la Nouvelle Orléans : Lorenzo Tio Jr. Ce musicien avait la réputation d'être un des grands clarinettistes des premiers temps du jazz, il aura sur le jeune Barney une heureuse et durable influence. Barney se lance alors dans la carrière musicale, mais les clarinettistes étaient nombreux et talentueux à la Nouvelle-Orléans et devant l'accueil assez mitigé des autres musiciens, il adopte alors le saxo ténor, instrument peu usité à l'époque.

Il rejoint en 1925 à Chicago l'orchestre de King Oliver, où on le voit sur le photos d'époque aux côtés de Darnell Howard et Albert Nicholas, tous deux clarinettistes jouissant d'une notoriété supérieure à la sienne. Il s'accroche donc à son saxo-ténor, mais après le départ de Darnell  Howard, King Oliver donne sa chance à Barney en lui demandant de rejouer de la clarinette, instrument qui devait le propulser au premier rang des plus grands solistes de toute l'histoire du jazz.

Après quelques mois avec l'orchestre de Luis Russell à New-York, Barney est engagé le 1er janvier 1928 par Duke Ellington devenant vite un des piliers indispensables à cette prestigieuse formation et ce, jusqu'en 1942. Non seulement soliste incomparable, mais aussi compositeur, il devint le bras droit de Duke et fût même le directeur musical de l'orchestre. Après son départ de l'orchestre de Duke Ellington, il se rend en Californie et joue dans divers groupement avant de rejoindre en 1947 pour quatre années l'orchestre de Louis Armstrong, puis de nouveau de 1953 à 1955 et enfin en1960 et 1961. Il participe à divers festivals et réduit à la fin de sa vie son activité musicale.

Pour beaucoup d'amateurs Barney Bigard est le plus parfait de tous les clarinettistes de jazz, et je ne suis pas loin de partager cet avis. Ce qui caractérise son jeu si personnel, c'est avant tout cette impression d'élégance suprême et de facilité déroutante! C'est certainement avec Jimmie Noone et Buster Bailey le plus grand technicien de cet instrument. Cette aisance dûe à sa maîtrise, sans faille, lui permet d'exécuter les traits les plus véloces avec grâce et décontraction.

Les longues inflexions d'une souplesse et également d'une justesse sans égales sont une des caractéristiques de ses improvisations. Il brille bien sûr dans les tempos les plus rapides, n'étant jamais gêné pour exécuter les phrases les plus audacieuses! Ses breaks vertigineux et ses déboulés impressionnants sont célèbres (Tiger Rag, Wall Street Wail). Il explore dans ses solos tous les registres de son instrument avec un égal bonheur, servit par une sonorité ronde, chaleureuse, d'une extrême beauté et d'une ampleur remarquable.

Fidèle en cela à la tradition New-Orleans, il sait à la perfection utiliser son instrument pour créer en marge de la partie d'un soliste ou d'un ensemble orchestral, un contrepoint véloce et enrichissant. Dans Old Man Blues, il brode avec volubilité autour du solo de trombone de Tricky Sam, et en fin d'interprétation il se lance dans un contrepoint agile autour et en marge de l'arrangement final. Il utilise également ce procédé d'une remarquable efficacité à la fin de Ring Dem Bells et de Stompy Jones.

Dès son arrivée dans l'orchestre de Duke Ellington, Barney Bigard su immédiatement s'intégrer, mais plus encore, donner une couleur sonore unique et par cet apport inestimable il fût un des artisans actifs du monde sonore si particulier de Duke Ellington! Quelques notes dans le grave suffisent à Barney, dès le début d'un morceau pour installer un climat sombre et dramatique, par exemples dans Across The Track Blues, quant au dernier chorus, sa partie dans le grave s'allie à la perfection avec les réponses de tous les cuivres utilisant la sourdine "wa-wa". En 1936, Duke Ellington lui fit même enregistrer un vrai concerto pour clarinette et orchestre, le poignant Clairinet Lament. Il devait récidiver en 1941 avec un morceau d'un caractère plus alerte : Are You Sticking? (stick = clarinette dans l'argot des musiciens de jazz).

Il nous a semblé logique de sélectionner en premier une douzaine d'interprétations de l'orchestre de Duke Ellington mettant particulièrement en vedette le talentueux clarinettiste. Puis des titres en petites formations dirigées par Barney Bigard lui-même. En effet, à partir de 1936, il fut proposé à certains solistes de l'orchestre d'enregistrer, sous leurs noms, des disques en petits groupes avec Duke lui même au piano. Ainsi, le 19 Mars 1936, Barney avait à ses côtés Cootie Williams, particulièrement en verve sur Caravan. Quant à Stompy Jones il permet à Mr Bigard, sur ce stimulant tremplin de 16 mesures, de déployer toutes les facettes de son immense talent! Charlie The Chulo et C Blues bénéficient de la formidable partie de contrebasse du génial Jimmy Blanton. Ainsi poussés, aiguillonnés, inspirés, Barney et ses comparses signent là encore deux chef d'œuvres… Enfin, nous proposons Barney Bigard dans divers contextes musicaux : d'abord en 1929 en trio avec deux héros de la Nouvelle-Orléans, le pianiste et chef d'orchestre Jelly Roll Morton, "L'inventeur du jazz" comme il aimait à le proclamer lui-même et le batteur Zutty Singleton. Ensuite, aux côtés de Rex Stewart pour une séance mémorable réalisée à Paris en 1939 avec Django Reinhardt et Billy Taylor.

Puis, deux enregistrements peu connus, gravés en 1940 toujours en compagnie de Rex. Relevons dans Big Eight Blues la présence du chaleureux ténor de Ben Webster, une des grandes voix de cet instrument, un pensionnaire lui aussi, de l'orchestre de Duke dans les années 40.

Une face de 1944, permet aux deux enfants de la nouvelle-Orléans, Barney et Zutty de se retrouver après 15 ans pour une nouvelle gravure en trio, mais hélas, sans Jelly Roll Morton décédé en 1941. Enfin, terminons sur le canevas du blues de 12 mesures, pour une conversation en blues: Conversing In Blue avec Benny Morton et Ben Webster. C'est pour nous l'occasion de rappeler que Barney Bigard est un éminent interprête du blues, particulièrement émouvant dans les blues lents qu'il ne manque jamais de jouer avec une profonde émotion, (Saturday Night Function, Solid Rock).

Outre ses immenses et multiples qualités d'instrumentiste, d'improvisateur et de swingman dont nous avons essayé de vous souligner certains aspects, le grand mérite de Barney Bigard a été également d'adapter avec bonheur au grand orchestre le style de clarinette typiquement Nouvelle-Orléans, dont il est certainement un des plus brillants représentants.

 

Jacques Morgantini

 

Albany “Barney” Bigard was born in New Orleans on 3 March 1906.  Contrary to his family’s wishes, he did not immediately embrace a musical career, beginning his professional life as an engraver.  He nevertheless did take lessons with the legendary New Orleans veteran, Lorenzo Tio Jr..  This musician enjoyed a reputation as one of the great clarinettists of those early days of jazz, and his influence on Barney would prove as beneficial as it was enduring, finally inspiring the youngster to turn to music as a profession.  But talented clarinettists were plentiful in New Orleans, and, faced by a lukewarm reception from colleagues, Barney took up a then less-familiar instrument, the tenor-saxophone.

In 1925 he joined the King Oliver band in Chicago, and he can be seen on period photographs alongside Darnell Howard and Albert Nicholas, both highly-talented clarinettists of far superior repute to himself.  He thus stuck to playing tenor-sax, but on Howard’s departure Oliver asked Barney to revert to clarinet, the instrument on which he was destined to become one of the true jazz greats.

After working with the Luis Russell band in New York for a few months, on 1st January 1928 Barney was engaged by Duke Ellington, soon becoming one of the cornerstones of the prestigious Ducal edifice.  Remaining with Duke until 1942, Barney was more than just an incomparable soloist, for he also composed for the band and even operated as its music director.  After leaving Ellington, Barney moved to California, where he played in a variety of local outfits.  In 1947 he joined the newly-formed Louis Armstrong All Stars, staying with Louis for the next four years.  He would return to the Armstrong fold for two further spells, from 1953 to 1955 and again from 1960 to 1961.  Reverting then to freelance work, Barney played at numerous festivals around the world, before gradually reducing his activities to the point of semi-retirement.

For many fans, Barney Bigard is quite simply one of the most perfect clarinettists in jazz, a view we would not rush to challenge.  His highly personal style is characterised by a supreme ease and grace, and along with Jimmie Noone and Buster Bailey he must surely rank as one of the instrument’s greatest technicians.  A fast player when he wants to be, Barney also plays with discernment and taste, his rippling single notes and long, sweeping glissandi making him instantly recognisable.  Fast tempos do not worry him and he executes with ease the most audacious runs (cf. Tiger Rag, Wall Street Wail), while also making superb use of the full range of his instrument.  Added to all of which, Barney’s tone is warm, round and delightfully woody.

Faithful to the New Orleans tradition, Barney backs soloists and participates in ensembles with an unfailing sense of counterpoint, at once rich, rapid and relevant.  On Old Man Blues, for example, he weaves delicately in and out behind Tricky Sam Nanton’s trombone solo, and in the closing ensemble comes up with some superbly agile, tasteful counterpoint.  He is similarly effective in the final ensembles of Ring Dem Bells and Stompy Jones.

Barney was thoroughly at home the day he arrived in the Ellington band, immediately adding a further colour to the ever-expanding Ducal palette and becoming a vital part of the Ellington sound.  He needed only a handful of low-register notes at the outset of a piece to establish a sombre, dramatic atmosphere, as for example on Across The Track Blues, where on the closing chorus too his beautiful clarinet lines, again in the lower register, mesh perfectly with the responses from the wa-wa muted brass.  In 1936, Duke paid due tribute to Barney by penning a genuine concerto for clarinet and orchestra, the poignant Clarinet Lament.  He wrote another such piece in 1941, this time of more lively nature, Are You Sticking? (a stick being jazz slang for the clarinet).

It seemed logical to open our selection with ten or so pieces by the full Duke Ellington orchestra that feature the Bigard clarinet.  These are followed by five sides by studio groups fronted by Barney himself, the clarinettist being one of those Ducal sidemen granted his own small-group sessions (usually with Ellington on piano) during the latter 1930s and early 1940s.  And finally, there are six titles that find Barney in varying small-group contexts under other leaders.

On his December 1936 session, Barney is flanked by trumpeter Cootie Williams, who is in particularly sparkling form on Caravan, while the stimulating, 16-bar theme Stompy Jones finds Barney running the whole gamut of his immense talent.  The other three titles by Bigard’s own groups benefit from the presence of that young genius of a bassist, Jimmy Blanton, and it is no exaggeration to place Charlie The Chulo and C Blues in the masterpiece category.

The first of the small-group sessions under various other leaders dates back to 1929, and finds Barney in the company of renowned New Orleans pianist-composer Jelly Roll Morton, the self-proclaimed “inventor of jazz”.  On drums is another New Orleans stalwart, Zutty Singleton.  There is then a 10-year jump to 1939, when Barney recorded in Paris as member of a group fronted by cornettist Rex Stewart, a memorable session on which gypsy guitarist Django Reinhardt is also present.  The next two pieces, relatively little known, were recorded in New York in the summer and winter of the following year, again with Rex Stewart in the line-up.  The Big Eight Blues played by the Jack Teagarden band also features the warm tenor-saxophone of Ben Webster, by now an eminent Ellingtonian and heading to become one of the all-time greats on the instrument.

A 1944 recording made on the West Coast reunites Barney and fellow New Orleans man Zutty Singleton for a follow-up trio excursion to their date of 15 years earlier.  Alas, it would not this time be Jelly Roll Morton on piano, the legendary Jelly having died in 1941.

Our collection comes to an appropriate close with a 12-bar blues, Conversing In Blue, the group on this occasion fronted by trombonist Benny Morton and again including the wonderful Ben Webster.  An apt reminder, this, that Barney Bigard was always a moving performer of the blues, and particularly impressive on slow, emotional pieces such as Saturday Night Function and Solid Rock.

Apart from those multiple qualities as an instrumentalist, improviser and swingman to which we have attempted to draw your attention, Barney Bigard possessed the remarkable talent of being able to adapt the typically New Orleans clarinet style to the big-band context.  And when it comes to New Orleans clarinet, Barney, as we trust our collection illustrates, was undoubtedly one of the very best.

 

Adapted from the French by Don Waterhouse

 

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