Liste des produits et biographie de THE RED HEADS

THE RED HEADS
Formation de jazz américain
THE RED HEADS C'est au cours des années 20 que le phonographe et le disque commencèrent à véritablement devenir des objets de consommation courante. Ce ne fut évidemment pas encore l'âge d'or, qui n'arrivera qu'une trentaine d'années plus tard, de l'électrophone pour tous et du super 45 tours. Cependant, la baisse des coûts de production entraînant celle des prix après la guerre, une population plus vaste et nettement moins fortunée que celle qui y avait accès auparavant, put enfin goûter aux délices de la musique en conserve. On se mit à enregistrer des musiques populaires - du musette ici, du blues là-bas - qui n'avaient jusque là pas trouvé droit de cité dans les catalogues, faute d'acheteurs potentiels. Les jeunes, munis de leurs phonos portables dernier cri, réclamèrent de la danse "moderne"... En quelques années, la production prit partout, en Amérique comme en Europe, une envolée décisive. Elle fut tellement importante en 1927 et 1928 aux U.S.A., que les chiffres de ces deux années-là ne purent être égalés puis dépassés qu'une bonne vingtaine d’ans plus tard, à l’aube de l'ère du microsillon, après le long passage obscur par les périodes de la crise et de la guerre... Comme il fallait s'y attendre, les compagnies, grandes et petites, se disputèrent âprement les vedettes confirmées et s'ingénièrent à en inventer de nouvelles. Elles y parvinrent souvent ou, du moins, facilitèrent l'accession à la célébrité de nombre d'entre elles. La radio, encore dans les langes en ce temps-là, reprendra ce rôle promotionnel au cours de la décennie suivante. Dans les temps anciens, les contrats dits "d'exclusivité" n'existaient guère, à deux ou trois exceptions près (la plus célèbre, à partir de 1903, s'appelle Caruso). Les noms les plus prestigieux du théâtre, de l'opéra, du caf ’conc', du music-hall, de la musique petite ou grande, purent ainsi, sans se dissimuler le moins du monde, enregistrer au gré de leur fantaisie et de la demande les mêmes chevaux de bataille pour trente-six firmes différentes... Probablement est-ce pour cette raison qu’au moment où le disque entra réellement dans la vie quotidienne - moment qui coïncide avec les débuts de l'enregistrement électrique -, soit à partir de 1925, les producteurs les plus importants jugèrent prudent de rendre la clause d'exclusivité plus fréquente à l'endroit de ceux auxquels ils tenaient le plus. En contrepartie, ils assurèrent leurs artistes de l'enregistrement d'un nombre minimum de faces par an. Dans le seul domaine du jazz, des gens comme King Oliver ou Jelly Roll Morton, qui n'avaient jusqu'alors enregistré qu'au coup par coup pour l'une ou l'autre firme, décrochèrent des contrats reconduits jusqu'en 1930. Ce qui ne les empêcha pas de faire aussi des disques en même temps pour d'autres maisons, sous la responsabilité d'autres chefs. Louis Armstrong, signataire avec les disques Okeh d'un contrat qui le mena de fin 1925 à 1932, se permit quelques petits coups de canif en 1926 et 27 dont les résultats furent édités sous le prénom de son épouse ou sous les noms d'Erskine Tate et de Jimmy Bertrand... Indéniablement, le champion du cumul fut, de 1927 à début1931, Duke Ellington, qui grava la plupart de ses grandes compositions personnelles et nombre de "tubes" du moment, non seulement pour Victor avec qui il avait signé, mais pour à peu près toutes les firmes présentes sur la place de New York !.. Celles-ci usèrent souvent de pseudonymes bizarres ou se servirent des noms de certains membres de l'orchestre, voire de celui de l'imprésario du groupe, Irving Mills... Bien entendu, Duke mettait son point d'honneur à donner à chaque marque des versions relativement différentes des mêmes thèmes et y parvenait fort bien. Il reste qu'il s'agissait malgré tout des mêmes morceaux interprétés par les mêmes musiciens. Mais comment résister, dans le pays du fric déifié, à l'envie de gagner cinq ou six fois plus en multipliant les séances ? Surtout quand on a le pressentiment que les lendemains chanteront moins que les aujourd'hui !..Du côté du jazz blanc, deux des solistes les plus demandés en ce temps là étaient le trompettiste* Loring "Red" Nichols et son complice préféré, le tromboniste Milfred "Miff" Mole. Sans doute trop adulés aux heures des années folles, ils furent ensuite traînés dans la boue par nombre de ceux qui les avaient encensés jadis et ne voyaient désormais plus en eux que de vils plagiaires, d'affreux spoliateurs des inventeurs du “vrai jazz" On alla même jusqu'à les taxer de vulgarité, alors que, décemment, si l'on peut leur reprocher quelque chose, c'est bien plutôt une tendance certaine à la coquetterie, à l’afféterie, un goût trop prononcé pour l'art de l'ornementation et du baroque... Il est vrai que ces deux musiciens, dont la carrière phonographique débuta à l'orée des années 20 et connut son apogée dans la seconde moitié de cette décennie, mobilisèrent sans doute trop souvent les studios au détriment d'autres jazzmen importants. De là, évidemment, à crier à l'injustice et à dénoncer l'occultation des véritables créateurs au profit de simples épigones... L'injustice et l'occultation existèrent bel et bien, mais fallait-il, pour remettre les pendules à l'heure, tomber dans l'excès inverse en pratiquant le racisme à rebours ? Fallait-il dénier contre toute vraisemblance la moindre possibilité créatrice à des gens dont l'histoire, aujourd'hui, montre à l'évidence qu'avec leur mise au point d'un certain "jazz de chambre", ils furent à l'origine d'un courant nouveau de cette musique...C'est en 1926 que Red Nichols, qui hante les studios depuis déjà cinq bonnes années, signe pour l'utilisation en exclusivité de son nom sur l'étiquette des disques de la maison Brunswick. Un nom que l'on trouvera jusqu' en 1932 le plus souvent accolé a celui des "Five Pennies", que la firme a choisi pour désigner l'orchestre. De son côté, Miff Mole signe de 1927 à 1930 un contrat similaire avec la maison Okeh, et son orchestre, à lui, s'appelle les "Little Molers". Est-il besoin de préciser que ces "Five Pennies" et ces "Molers” sont la plupart du temps composés des mêmes requins du phonographe ?... Les clarinettistes/ saxophonistes Dobby Davis, Fred Morrow, JimmyDorsey, le pianiste Artnur Schutt (transfuge des "Georgians" du trompettiste Frank Guarante), les guitaristes Eddie Lang et Dick McDonough, parfois le violoniste Joe Venuti, sont ceux don! les noms reviennent le plus fréquemment. Au fil du temps, il leur arrivera d’être nettemenl plus nombreux, à ces petits "Five Pennies". Ils finiront même quelquefois par devenir une bonne grosse livre sterling bien sonnante et trébuchante ! Et pas n'importe comment : grâce à l'adjonction d’invités plus ou moins réguliers, comme Tommy Dorsey, Jack et Charlie Teagarden, Pee Wee Russell, Fud Livingston, Glenn Miller, Wingy Manone, Frank Teschemacher, Joe Sullivan, Gene Krupa, Frankie Trumbauer... Puriste en diable, "Mezz" Mezzrow lui-même avoue, honteux, qu'il joua parfois chez Nichols, en compagnie du jeune cornettiste Max Kaminsky. Dans cette liste de participants habituels ou occasionnels, on se doit de réserver un sort particulier au remarquable batteur Vie Berton, originaire de Chicago et présent dans la plupart des séances. Un moment membre des "Wolverines" auprès de Bix Beiderbecke (1924), Louis Armstrong le présentait volontiers comme son copain et n'hésitait pas à le sacrer "plus grand batteur de tous les temps". Selon Philippe Baudoin, il tut sans doute pour quelque chose dans l’invention de la pédale charleston et fut le premier à introduire les timbales classiques dans une formation de jazz (les "Five Pennies", justement). Malheureusement, la technique bizarre utilisée par la maison Pathé pour l'enregistrement des faces des "Red Heads" rééditées dans le présent recueil, ne permet pas toujours d'apprécier pleinement la subtilité et la virtuosité raffinée de ce musicien. Car, évidemment, le succès quasi immédiat des disques des "Five Pennies" et des "Molers", régulièrement édités un peu partout dans le monde, suscita l'envie des autres firmes. N'ayant cédé que l'exclusivité de leur nom, Nichols et Mole (de même qu’Ellington) purent, dès l'instant que celui-ci ne figurait point sur les étiquettes, accepter d'autres propositions. Ils auraient eu bien tort de s’en priver !.. Ainsi furent-ils les "Charleston Chasers" chez Columbia, les "Six Hottentots” pour les nombreux labels de la Plaza Music Co., les "Red & Miff's Stompers" pour Edison et Victor, les "Red & his Big Ten" pour Victor encore en 1930-31 ou le "Wabash Dance Orchestra" pour la firme britannique Duophone... Et puis, comme il se doit, les "Red Heads" pour la vieille firme française Pathé et pour sa sous-marque Perfect... Secret de polichinelle, naturellement, puisque tous les directeurs artistiques de chaque firme étaient au courant ! L'important était que l'acheteur ne se rende pas trop compte que sous trois ou quatre raisons sociales différentes, il écoutait un petit peu toujours la même chose !.. En fait, Red et Miff firent en sorte de diversifier les arrangements des morceaux devant être gravés plusieurs fois pour les différentes compagnies (par exemple) The Hurricane, Alabama Stomp, Thal's No Bargain, ou le Black Bottom Stomp de Jelly Roll Morton). La série des "Red Heads", qui dura de 1925 à 1927 fut en réalité la première, qui précéda celles des "Five Pennies" et des "Molers" Red et Miff avaient déjà participé aux nombreuses séances de disques organisées par l'impresario/chef d'orchestre Sam Janin, notamment chez Pathé, où les directeurs artistiques les avaient repérés. Les ventes des premières galettes furent suffisamment bonnes pour qu'on leur confiât par la suite d'autres tâches (comme l’accompagnement de vocalistes) et que l'on éditât une partie de la production en Europe. En France, la maison-mère la sortit tant sur disques "à saphir" gue sur disques "à aiguille" et la firme Salabert, alors associée à Pathé, édita elle aussi plusieurs faces. Good Man Is Hard To Find et Baltimore étaient encore en vente en 1932. Délaissant l'appellation sûrement jugée trop vague de "Red Heads", ces éditions françaises créditèrent "Red Nichols & his Orchestra"... Ce jazz frais, subtil, bien élevé, dut séduire les responsables des branches européennes, contrairement aux gravures, pourtant disponibles au catalogue américain, des musiciens noirs (Fletcher Henderson, Duke Ellington), aux sonorités farouches, que l'on n'édita pas ici par crainte de choquer. Les dates d’enregistrement exactes des trois dernières séances des "Red Heads" ont été découvertes, alors qu'aucune archive ne paraît avoir été conservée aux U.S.A., sur des doubles retrouvés en France... Au bout de deux ans, et malgré son apparent succès, la série fut interrompue et laissa le champ libre à ses concurrents. Désaccord entre les musiciens et la firme ? Difficultés financières croissantes de la maison ? Les deux, sans doute... Et c'est fort dommage, car plus que les autres séries parallèles, celle des "Hed Heads" donnait la pleine mesure du talent - et aussi des limites - de ces deux grandes figures du jazz new yorkais de l’âge héroïque. Plus que celles gravées pour les autres marques disposant d'un matériel supérieur, les faces des "Red Heads" apparaissent comme les plus épurées et, sous ce jour, les plus parfaites. Ce que l'on peut perdre en force, en fougue, se regagne amplement en finesse, en précision. De là à la simple froideur, dont on a parfois parlé à leur endroit, il n’y a évidemment, qu'un pas, mais il n'est jamais franchi. Plenty OlfCenterel Tmmpet Sobs, les deux faces interprétées en trio par Nichols, Schutt et Berton sous le nom de "We Three", en apportent une preuve supplémentaire. C'était là un exercice des plus périlleux, auquel bien peu de trompettistes osaient alors se livrer. Il n'est pas sûr que Nichols ait eu connaissance des deux duos enregistrés par King Oliver et Jelly Roll Morton ; quant à ces autres duos entre Louis Armstrong et Earl Hines ou Buck Washington, il faudra les attendre pendant encore plusieurs années... Red Nichols ne s'en est pas laissé conter, qui sut donner là deux chefs-d'œuvre de délicatesse et de sensibilité, justifiant pleinement le jugement que porta jadis sur lui et sur Miff Mole le critique Robert Goffin, bien connu pour son anti-dogmatisme : "leur art, qui est une prolongation du vieil esprit de Dixieland, constituait une compromission sensible et sentimentale dont les disques, aujourd'hui relégués dans l'ombre, témoignent cependant d'une personnalité qui méritait plus de considération"... Less
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