Liste des produits et biographie de Gerry MULLIGAN

Gerry MULLIGAN
Musicien de jazz américain (saxophone baryton)
Gerry MULLIGAN Fils d’Irlandais, Gerry Mulligan avait connu l’école de la rue, les empoignades avec les gamins de son âge, dans ce qu’il faut bien appeler des ghettos, même si les immigrants avaient la peau très claire. De ce temps-là, Mulligan conserva un mauvais caractère bien trempé et une aptitude certaine à affronter les difficultés de la vie, même si le cadre, plus harmonieux, était celui du jazz. Adolescent, il s’essaya à des arrangements pour grande formation, commençant par des orchestres de danse, découvrant dans cette discipline d'écriture la promesse d’un perpétuel dépassement. La dilection de Mulligan trouva très tôt un terrain d'entraînement d'abord grâce à une radio de Philadelphie. Il ne manqua pas ensuite de confier quelques-uns de ses travaux à ses employeurs successifs, chefs d'orchestres de danse où lui-même tenait le baryton, notamment Gene Krupa, Elliot Lawrence, vers le milieu des années 1940, pour citer les plus jazz. C’est probablement au grand orchestre que Gerry Mulligan consacra le plus d’énergie, “son” grand orchestre, mais aussi “ses” arrangements. Comme soliste, spécialiste du baryton, il se considérait comme une sorte de disciple de Lester Young, adaptant le style de son maître au baryton. Nous retiendrons, quant à nous l'éloquence de son jeu, alliant économie et simplicité sans jamais sombrer dans l'abstraction. Inutile de le comparer à Serge Chaloff, à Leo Parker ou à Pepper Adams, Mulligan ne luttait pas dans l'arène des meilleurs solistes. Laissons parler Gerry Mulligan : "J'ai eu la chance d'être au bon endroit quand il le fallait pour faire partie de l'orchestre de Miles. J'avais passé deux ans en tournée avec divers orchestres, mais sur le conseil de Gil (Evans) j'avais décidé de rester à New York (...)." Les jazzmen fervents du jazz moderne se trouvaient dans la ville "et tout le monde semblait graviter autour de l'endroit où vivait Gil. On s'influençait réciproquement et Bird était l'influence n°1 pour nous tous. Gil vivait dans une pièce en sous-sol sur la 55e Rue, près de la 5e Avenue." Là, Mulligan rencontra Miles Davis et le gratin d'une nouvelle avant-garde (John Lewis, George Russell, John Carisi; Max Roach, Lee Konitz et dix autres au moins) dont certains allaient participer directement aux fameuses séances Capitol dites de la "Birth of the Cool" Cette "naissance" d'un jazz dit cool, en tout cas frais et léger comme une douce brise, sûrement pas froid comme un glaçon, donna à Mulligan l'occasion d'enregistrer, au sein de l'orchestre dirigé par Miles Davis mais se n’est qu'en 1951 que Mulligan enregistra sous son propre nom, dans un cadre résolument orchestral chez Prestige, la formation comportant deux trompettes, un trombone, un saxophone ténor, deux saxos-barytons (dont lui-même), piano, basse et batterie. Nous avons retenu quelques morceaux de cette séance, tous de la plume de Mulligan. L'ensemble enregistré, soulignons-le, à New York, donc sur la côte Est, préfigure parfois ce que l'on appelle le "style West Coast“ (Kaper tout particulièrement) associé à la Californie. Rappelons d'ailleurs, pour nous limiter au style orchestral et comparer ce qui est comparable, que Shorty Rogers grava son premier album avec ses Géants le 8 octobre 1951 à Los Angeles. La séance mulliganienne n'est pas d'un intérêt permanent, on peut penser que Bweebida Bobbida est le thème le plus intéressant et en tout cas le plus mulliganesque, et que Ide's Side annonce par certains aspects la petite formation avec le trompettiste Chet Baker. En ce qui concerne les solistes, Mulligan s'exprime longuement dans tous les morceaux, Allen Eager sur son versant le plus lestérien se montre égal à lui-même, autant dire passionnant plus souvent qu'à son tour ; le pianiste George Wallington contribue très sensiblement à la réussite de l'ensemble, démontrant, entre autres, qu'il n'est pas seulement un powellien d'obédience, mais aussi et surtout qu'il joue bebop dans un style personnel, très aéré, minimaliste au besoin, avec une autorité précieuse à l'architecture de la grande formation. De cette époque et parfois même de toute la carrière de Gerry Mulligan on a surtout retenu son association avec le trompettiste Chet Baker, ce qui est injuste. Le célèbre quartette sans piano, né au début des années 1950, connut fort rapidement le succès et l’on peut penser que l'indéniable présence physique des deux hommes, l'aura de Chet Baker en James Dean du jazz, contribua aussi à imposer leur formation. Toutefois leur succès dépassa très vite les États-Unis, au-delà donc d'une quelconque image scénique. Cet ensemble présentait une formule sonore séduisante, efficace, reposant sur quelques éléments déterminants tel que le choix d'un répertoire agréable, varié et même assez hétérogène, puisqu'il comportait aussi bien des succès éprouvés tels que Carioca, des standards alors peu connus comme Bernie's Tune, que des compositions écrites par Mulligan. Le principe d'exposé des thèmes était assez simple et, pour les deux souffleurs, le recours au contrepoint était une solution privilégiée. La part d'improvisation était plus ou moins importante, mais assurément l'un et l'autre en solo développaient avec une indéniable fraîcheur une approche mélodique vivifiante. La belle présence de la rythmique, réduite au noyau basse-batterie apportait son assise aux solistes et le travail du batteur Chico Hamilton, souvent aux balais, mariait subtilement souplesse et autorité. Pour ce qui est de la contrebasse, Mulligan expliqua bien son rôle : "Je considère la contrebasse comme l'assise du son de notre groupe ; la base sur laquelle le solo construit son développement, le fil conducteur autour duquel les deux instruments mélodiques tissent leur discours contrapuntique." (notes de pochette traduites par Alain Tercinet in West Coast Jazz). Chet Baker avait fait partie fugitivement d'un quintette de Charlie Parker et développerait dans les années à venir une fascination pour l'art de Miles Davis. Quant à Mulligan, il avait joué avec Parker au cours d'une jam session et ce dernier l'avait fortement encouragé à développer son style. Le jeu de baryton de Mulligan se référait fort explicitement au style de saxophone de Lester Young (dit Prez), mais non seulement il était loin d'être le seul à se placer dans l'orbite présidentielle, mais lui le faisait avec beaucoup de modestie. "Je préférerais", dit-il, "me trouver au sommet du groupe des arrangeurs mais dans l'ombre qu'au même rang sur la scène, dans la lumière des projecteurs." Ses solos ne manquent pas pour autant d'intérêt, de loin s'en faut (le très délicat premier solo de Line For Lyons), même s'ils servaient d'abord la musique comme unité collective Et, en effet, jusque dans la formule du quintette abondent les trouvailles : chaque thème ou presque, est l'objet d'une attention toute particulière et le mode d'exposé varie assez sensiblement autour de quelques principes tel que le fameux contrepoint ou d'un chant-contre-chant à la fois efficace et léger. My Funny Valentine permet à Chet Baker de donner son plein caractère dramatique à un thème romantique qu'il rejouerait toute sa vie. Las, les deux hommes possédaient deux personnalités par trop incompatibles, les querelles se multiplièrent entre un Mulligan cabochard et volontaire et un Chet pas très accommodant. La rupture fut rapidement consommée (moins de deux ans d'existence). François Billard Gerry Mulligan was born in New York. His father was Irish so he grew up in a white ghetto in Philadelphia where he soon became street-wise, learning to defend himself in a school playground where fisticuffs were the order of the day. This was probably also where his tough character was forged and his determination to affront whatever life served up, even in the jazz world. While in his teens he was already writing arrangements for big bands, principally dance bands at first. This gift for composition was one he would go on to exploit throughout his career. He got his first break with a Philadelphia radio station. Later on he did several arrangements for big band leaders with whom he played baritone sax in the mid-40s, notably Gene Krupa and Elliot Lawrence. Gerry Mulligan undoubtedly concentrated most of his energy on his big band work and then his own orchestra and on his own arrangements. He saw himself as a disciple of Lester Young, adapting the latter’s tenor sax style to that of baritone. His eloquent style blends economy and simplicity but never descends into the abstract. There is little point in comparing him to Serge Chaloff, Leo Parker or Pepper Adams for Mulligan himself was not interested in competing with other soloists. As he put it “I was lucky enough to be in the right place at the right time when I joined Miles’ orchestra. I’d just spent two years touring with various bands but, following Gil Evans’ advice, I decided to stay in New York (…)”. There were a lot of keen modern jazzmen around town and “everybody seemed to gravitate to where Gil was. We influenced each other but Bird was the N° 1 influence on all of us. Gil was living in a basement room on 55th Street off 5th Avenue.” It was here that Mulligan met Miles Davis and the cream of the new avant-garde (John Lewis, George Russell, John Carisi, Max Roach, Lee Konitz and a dozen others), some of whom would participate in the famous Capitol “Birth of the Cool” sessions. The emergence of cool jazz gave Mulligan the chance to record two of his own compositions with Miles Davis’ orchestra, Jeru and Venus De Milo, plus an arrangement of Godchild. It wasn’t until 1951 that Mulligan recorded under his own name for Prestige with a formation comprising two trumpets, a trombone, a tenor sax, two baritone saxes (including himself), piano, bass and drums, a session that has rarely received the recognition it deserves. At the time it was eclipsed by the more renowned Miles Davis sessions and since then few critics have really taken the time to listen to it—with the exception of Alain Tercinet who described the music as “at times reminiscent of the Miles Davis’ nonet”. (West Coast Jazz, Ed. Parenthèses). Moreover, Mulligan and what he was striving for has often been misunderstood. He was an extremely stubborn character, refusing to make any concessions. We have included several of Mulligan’s compositions from this session which, although recorded in New York, hence on the East Coast, in some way heralds the West Coast style (Kaper especially) associated with California. It should also be noted that Shorty Rogers cut his first album with his Giants on 8 October 1951 in Los Angeles. Bweebida Bobbida is the most interesting title from the Mulligan session and Ide’s Side can be seen as a precursor of what the small group with trumpeter Chet Baker would go on to produce. Mulligan is featured at length on each title while Allen Eager remains true to form with his Lesterian turn of phrasing. Pianist George Wallington adds to the overall success of the ensemble, revealing not only his debt to Powell but also that he had developed a very personal bebop style, uncluttered to the point of minimalism. What is chiefly remembered about this period is Gerry Mulligan’s association with trumpeter Chet Baker which is somewhat unfair. The famous “pianoless” quartet, founded in the early 50s, was immediately successful and part of this success may well have been due to the undeniable stage presence of both men, Baker sometimes seen as the James Dean of jazz. However, their reputation soon spread outside the States. Their appeal was based on several factors, not least an attractive, varied and pretty heterogeneous repertoire that included popular hits such as Carioca, lesser known standards as Bernie’s Tune and Mulligan’s own compositions. A simple approach to the themes allowed the wind players to improvise in two-part counterpoint. This improvisation played an important role but each man developed his solos with a wonderfully fresh melodic approach. Drums and bass provided a solid backing frequently highlighted by Chico Hamilton’s delicate brush work. Mulligan himself said that he saw the double bass as the basis of the quartet around which solos could develop and the two instrumentalists weave their contrapuntal melodies. The quartet has sometimes been criticised for being too conformist i.e. trying to please everybody, both modernists and Dixieland fans, since this use of counterpoint was closer to the collective improvisational style of traditional jazz musicians (Chicago jazzmen for example) than to bop. But both Baker and Mulligan had close ties with bop. The former had played briefly with a Charlie Parker quintet and would later become fascinated by the art of Miles Davis. Mulligan had also played a jam session with Parker during which the latter encouraged him to develop his style. His baritone playing contains strong overtones of Lester Young’s sax style but he never saw himself as being on the same level as a soloist. He said “I prefer to be at the top of a group of arrangers but in the background on stage rather than in the spotlight.” Yet his solos are not without interest (the very delicate opening solo on Line For Lyons) even though he saw music as a collective enterprise rather than an individual one. In fact, there is no lack of inspiration throughout. Almost every them is treated individually whether by the use of this famous counterpoint, low dynamics or light swing. The fresh treatment given to old standards adds an extra dimension: the swing on the exotic Carioca, driven along by Hamilton on drums, equals that of any big band version (e.g. Artie Shaw in 1939), while Chet Baker brings a dramatic quality to the romantic My Funny Valentine, a theme that would remain a favourite throughout his career. Unfortunately, the characters of these two outstanding musicians were diametrically opposed and the arguments increased, Mulligan as stubborn as ever and Baker refusing to listen. The break up came after only two years and, in spite of the quartet’s success, each decided to go his own way. Over the years there were countless suggestions about reforming the group, but these never came from the parties most concerned! It was only in exceptional circumstances that they got together again, notably in 1974 for a commemoration concert in Carnegie Hall, twenty years later. Adapted from the French text by Joyce Waterhouse Less
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