Liste des produits et biographie de Sergueï RACHMANINOFF

Sergueï RACHMANINOFF
Compositeur russe

Sergueï Vassilievitch Rachmaninov (en russe : Сергей Васильевич Рахманинов, usuellement désigné dans les pays francophones sous le nom de Serge Rachmaninoff), né le 1er avril 1873 à Semionovo (ru) (Empire russe) et mort le 28 mars 1943 à Beverly Hills (États-Unis), est un compositeurpianiste virtuose et chef d'orchestre russe, naturalisé américain.

Considéré comme l'un des meilleurs pianistes de son époque, il est en tant que compositeur l'un des derniers grands représentants du romantisme dans la musique classique russe. D'abord fortement influencé par TchaïkovskiRimski-Korsakov et d'autres compositeurs russes, il développe un idiome tout à fait personnel — et reste indifférent à l'évolution de son époque. Sa composition est remarquable pour son timbre mélodique, son expressivité et ses riches couleurs orchestrales. Le piano occupe une place prépondérante dans les compositions de Rachmaninov, qui met un point d'honneur à utiliser ses talents d'interprète pour explorer pleinement les possibilités expressives et techniques de l'instrument. Il laisse plusieurs enregistrements de ses propres œuvres.

Né dans une famille de musiciens, Rachmaninov se met au piano à l'âge de quatre ans. Il étudie avec Anton Arensky et Sergei Taneyev au Conservatoire de Moscou et obtient son diplôme en 1892, ayant déjà composé plusieurs pièces pour piano et orchestre. En 1897, après la création désastreuse de sa Symphonie no 1, Rachmaninov entre dans une dépression de quatre ans et compose peu jusqu'à ce qu'une thérapie de soutien réussie lui permette d'achever son Concerto pour piano no 2 en 1901, qui est accueilli avec enthousiasme. Au cours des seize années suivantes, Rachmaninov dirige le théâtre Bolchoï, s'installe à Dresde, en Allemagne, et effectue sa première tournée aux États-Unis.

À la suite de la révolution russe, Rachmaninov et sa famille quittent la Russie et s'installent à New York en 1918. Sa principale source de revenus provenant de ses prestations en tant que pianiste et chef d'orchestre, Rachmaninov n'a guère le temps de composer. Il n'achève ainsi que six œuvres entre 1918 et 1943, dont la Rhapsodie sur un thème de Paganini, la Symphonie no 3 et les Danses symphoniques. En 1942, sa santé décline et les Rachmaninov déménagent à Beverly Hills, en Californie. Il meurt d'un mélanome avancé en 1943.

Translittération et orthographe du nom[modifier | modifier le code]

Sergueï Vassilievitch Rachmaninov (en russe : Сергей Васильевич Рахманинов a toujours écrit son nom en lettres latines Serge Rachmaninoff, avec le prénom en français et deux « f » (car telle était la transcription française, langue internationale d'alors, et aussi probablement parce que c'était le seul moyen de faire prononcer son nom à peu près correctement par les Anglo-Saxons, le /v/ étant prononcé [f] en position finale).

Sergueï Rachmaninov naît le 1er avril 1873 (le 20 mars 1873 du calendrier julien) dans une famille de la petite noblesse russe, dans le domaine familial du village de Semionovo (ru), près de Staraïa Russa4. Vassili Arkadievitch Rachmaninov (1841–1916), le père de Sergueï, officier dans l'armée, est un homme charmant et un père affectueux, mais prodigue, dépensier et, paraît-il, joueur. Lyubov (Lioubov) Petrovna Boutakova (1853–1929), sa mère peu aimante et aimée, est la fille d'un général. La famille Rachmaninov a de forts penchants musicaux et militaires. Son grand-père paternel, Arkady Alexandrovich est musicien et a pris des leçons auprès du compositeur irlandais John Field. De son père, Sergueï hérite notamment le goût des chevaux et de la musique. Des cinq propriétés de la dot maternelle, seule reste Oneg (située près de Novgorod), où Sergueï vit de quatre à neuf ans, et qui est vendue aux enchères en 1882. Le couple a trois fils et trois filles, Sergueï étant leur troisième enfant.

En 1877, Sergueï Rachmaninov a quatre ans. Sa mère Lioubov remarque sa capacité à reproduire des passages de mémoire sans fausse note. Avec les conseils d'Arkady, elle engage à demeure Anna Ornazkaïa, diplômée du Collège russe de musique fondé par Anton Rubinstein en 1862 (le futur Conservatoire de Saint-Pétersbourg) pour donner au jeune Sergueï ses premières vraies leçons de piano. Ces cours dureront deux ans, Rachmaninov dédiera à sa professeure sa romance pour voix et piano « Spring waters » tirée des douze romances, op. 14.

Les difficultés financières des Rachmaninov font qu'ils n’ont plus désormais les moyens de faire entrer Sergueï et son frère aîné Vladimir dans le prestigieux Corps des Pages qui prépare les officiers de la Garde impériale à laquelle ils étaient destinés. La famille se sépare du domaine d'Oneg en 1882, et emménage dans un appartement à Saint-Pétersbourg.

En 1883, Ornazkaïa fait en sorte que Rachmaninov, qui a maintenant 10 ans, puisse étudier la musique au conservatoire de Saint-Pétersbourg. Plus tard dans l'année, sa sœur Sofia meurt de la diphtérie et son père quitte la famille pour Moscou. La mésentente conjugale persistant, Vassili et Lioubov Rachmaninov se séparent. Les enfants demeurent avec leur mère et leur grand-mère venue en renfort, Sofia Boutakova (1823-1904), la « babouchka » bien-aimée, dont Sergueï est officiellement le petit-fils préféré. À cette grand-mère dévote qui l'emmène dans les églises, le jeune garçon doit une découverte capitale (le chant orthodoxe) et la beauté du son des cloches de la Cathédrale Sainte-Sophie de Novgorod, composantes essentielles de l'âme russe et source d'inspiration pour le futur compositeur.

En 1885, Rachmaninov subit une nouvelle perte lorsque sa sœur Yelena meurt à l'âge de 18 ans d'une anémie pernicieuse. Cette dernière a eu une influence musicale notable sur Rachmaninov et lui a fait découvrir les œuvres de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Pour se reposer, sa grand-mère l'emmène dans une ferme au bord de la rivière Volkhov. Son attitude peu scolaire au Conservatoire fait qu'il échoue aux cours généraux et modifie délibérément ses bulletins de notes. Sa mère consulte alors Alexandre Siloti, son neveu, pianiste accompli et élève de Franz Liszt. Il recommande de transférer Rachmaninov au Conservatoire de Moscou pour qu'il y reçoive les leçons de son ancien professeur, plus strict, Nikolai Zvere.

Entre douze et seize ans, il est préparé par le professeur Nikolaï Zverev (1832-1893), ami d'Anton Rubinstein et de Tchaïkovski. Zverev est un pédagogue renommé, respecté, rigoureux et sévère. Il prend chez lui quelques élèves doués de sa classe de conservatoire. Logés et nourris, ses pensionnaires doivent se soumettre à une discipline de travail draconienne et être dès six heures du matin devant le piano. Ce professeur exigeant tient à donner à ses élèves une grande ouverture culturelle par sa bibliothèque et en les faisant assister à des représentations théâtrales, à des concerts et à des opéras. Il invite les grands musiciens de passage à Moscou à venir écouter ses protégés. Le jeune Sergueï y rencontre notamment Tchaïkovski, qui apprécie déjà ses dons de jeune pianiste.

Au cours de ces quatre ans, Rachmaninov côtoie au conservatoire ses pairs Josef LhévinneAlexandre Goldenweiser et Alexandre Scriabine, avec qui il se lie d'amitié. Après deux ans de cours, le jeune Rachmaninov, âgé de quinze ans, obtient une bourse Rubinstein et devient l'élève de Siloti en piano avancé. Il étudie l'harmonie, la théorie musicale, puis la fugue et la composition libre avec le jeune Anton Arenski, et le contrepoint avec Sergueï Taneïev. À l'image de son maître Zverev, Sergueï « restera sa vie durant un homme organisé, fidèle à ses habitudes, soucieux d'ordre et de ponctualité ».

En 1889, Rachmaninov rentre en conflit avec son maître, qui juge le piano incompatible avec la composition. Zverev, qui pensait que la composition était du gaspillage pour les pianistes talentueux, refuse de parler à Rachmaninov pendant un certain temps et s'organise pour quitter son domicile. Il s'installe chez ses cousins Satine à Ivanovka, où il trouvera un vrai refuge. Rachmaninov connaît sa première idylle en la personne de Vera, la plus jeune fille de la famille Skalon voisine, mais sa mère s'y oppose et interdit à Rachmaninov de lui écrire, le laissant correspondre avec sa sœur aînée Natalia, qui deviendra son épouse. On retrouve dans ces lettres certaines des premières compositions de Rachmaninov.

En 1890, Rachmaninov passe ses vacances d'été avec les Satin à Ivanovka, leur domaine privé près de Tambov, où le compositeur retournera à plusieurs reprises jusqu'en 1917. Le cadre paisible et bucolique devient une source d'inspiration pour le compositeur qui élabore de nombreuses compositions pendant son séjour au domaine, notamment son Concerto pour piano no 1 (op. 1), qu'il achève en juillet 1891 et qu'il dédie à Siloti. Cette même année, Rachmaninov termine sa Symphonie en ré mineur (dite « Jeunesse ») en un mouvement et un poème symphonique Le Prince Rostislav. Au cours des vacances d'été passées à Ivanovka, ses progrès sont brusquement interrompus à cause d'un cas grave de paludisme4344.

Au cours de sa dernière année au Conservatoire, Rachmaninov assiste aux cours de Stepan Smolenski à l'Institut synodal de Moscou. Il donne son premier concert, où il crée son Trio élégiaque no 1 en janvier 1892, suivi de l'exécution du premier mouvement de son Concerto pour piano no 1 deux mois plus tard. Siloti quitte le Conservatoire de Moscou après la fin de l'année 1891 et Rachmaninov demande à passer ses examens finaux un an plus tôt afin d'éviter d'être assigné à un autre professeur. Il compose son opéra en un acte Aleko, basé sur le poème narratif Les Gitans d'Alexandre Pouchkine, en dix-sept jours. Cet opéra, très influencé par La Dame de pique de Tchaïkovski, est créé le 23 avril 1893 au Théâtre Bolchoï. Tchaïkovski y assiste et fait l'éloge de Rachmaninov pour son travail. Aleko vaut à Rachmaninov la note maximale— un « 5+ » entouré par Tchaïkovski de trois autres « +  — et un prix de composition, distinction qui n'avait été décernée auparavant qu'à Taneyev et Arseni Korechtchenko. Zverev, membre de la commission d'examen, offre au compositeur sa montre en or, mettant ainsi fin à des années de brouill. Le 29 mai 1892, le Conservatoire délivre à Rachmaninov un diplôme qui lui permet de se présenter officiellement comme un « artiste libre ». Rachmaninov, à vingt ans, commence une carrière brillante de virtuose et de compositeur. Il écrit dans les années 1892-1893 de nombreuses œuvres, le Prélude en ut dièse mineur, le Trio élégiaque no 2 à la mémoire de Tchaïkovski mort du choléra, son poème symphonique Le Rocher, dédié à Rimsky-Korsakov, et les Morceaux de fantaisie (Op. 3).

Après la mort de Tchaïkovski, Rachmaninov manque d'inspiration pour composer. De plus, la direction du Théâtre Bolchoï retire Aleko de son programme. Pour subvenir à ses besoins, Rachmaninov recommençe à donner des leçons de piano — ce qu'il détestait — et à la fin de 1895, accepte une tournée en Russie de trois mois avec la violoniste italienne Teresina Tua. La tournée lui est désagréable et le compositeur s'en retire avant la fin, sacrifiant ainsi ses honoraires de représentation. Rachmaninov dans un élan désespéré, met en gage la montre en or que lui avait offert Zverev. En septembre 1895, avant le début de la tournée, Rachmaninov achève sa Première symphonie (Op. 13), une œuvre dont les influences remontent aux chants liturgiques entendus lors des offices religieux orthodoxes russes. Rachmaninov ne se remet à la composition qu'après avoir entendu l'œuvre jouée. Cela dure jusqu'en octobre 1896, date à laquelle « une somme d'argent assez importante » qui n'était pas la sienne est volée à Rachmaninov lors d'un voyage en train et il doit travailler pour récupérer les pertes. Parmi les pièces composées, figurent les 6 Chœurs (op. 15) et les Six moments musicaux (op. 16), sa dernière composition achevée depuis plusieurs mois58.

La création de la Symphonie no 1 a lieu le 28 mars 1897 dans le cadre d'une longue série de Concerts symphoniques russes consacrée à la musique russe. L'œuvre est critiquée par le compositeur russe César Cui, qui la compare à une représentation des dix plaies d'Égypte, suggérant qu'elle serait admirée par les « détenus » d'un conservatoire de musique en enfer. Les problèmes d'exécution de cette première, alors dirigée par Alexandre Glazunov, sont peu commentés par la critique. L'ami proche de Rachmaninov, Alexandre Ossovski (en), mentionne que Glazunov aurait mal utilisé le temps de répétition, et que le programme du concert lui-même qui contenait deux autres premières, aurait également été un facteur supplémentaire. D'autres témoins, dont la femme de Rachmaninov, ont suggéré que Glazounov, un alcoolique, était peut-être ivre62,. Rachmaninov écrit en mai 1897 qu'il « n'est pas affecté du tout » par le manque de succès ou de réaction critique à la première, mais qu'il se sent « profondément affligé et fortement déprimé par le fait que ma symphonie... ne m'a pas du tout plu après sa première répétition ». La pièce n'a pas été jouée pendant le reste de la vie de Rachmaninov, il l'a cependant révisée pour en faire un arrangement pour piano à quatre mains en 1898.

Rachmaninov sombre dans une dépression qui dure trois ans, pendant lesquels il souffre du syndrome de la page blanche et ne compose presque rien, gagnant sa vie en donnant des leçons de piano. Savva Mamontov, un industriel russe et fondateur de l'Opéra privé de Moscou, propose à Rachmaninov le poste de chef d'orchestre assistant pour la saison 1897–1898. Le compositeur, à court d'argent, accepte et dirige son premier opéra, Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, le 12 octobre 189768. Début 1899, Rachmaninov s'essaie à la composition et achève deux courtes pièces pour piano, Morceau de fantaisie et Fughetta en fa majeur. Deux mois plus tard, il se rend à Londres pour la première fois pour se produire et diriger, ce qui lui vaut quelques critiques positives.

Pendant sa direction à Moscou, Rachmaninov se fiance à Natalia Satina. Cependant, l'église orthodoxe russe et les parents de Satina s'opposent à leur alliance. La dépression de Rachmaninov s'aggrave à la fin de 1899, après un été improductif ; il compose une chanson, Le Destin, qui deviendra plus tard l'une des Douze romances (op. 21), et laisse en attente les compositions pour un retour à Londres. Dans une tentative de raviver son désir de composer, sa tante s'arrange pour que l'écrivain Léon Tolstoï, que Rachmaninov admirait beaucoup, fasse visiter sa maison au compositeur et reçoive des mots d'encouragement. La visite est un échec, ne l'aidant pas à composer avec plus d'aisance qu'auparavant7.

En 1900, face à l'impossibilité de Rachmaninov de composer, sa tante lui suggère l'aide du médecin et musicien amateur Nicolas Dahl, ce que Rachmaninov accepte sans résistance. Entre janvier et avril 1900, Rachmaninov suit quotidiennement des séances d'hypnothérapie et de thérapie de soutien avec Dahl, spécifiquement structurées pour améliorer ses habitudes de sommeil, son humeur et son appétit afin de raviver son désir de composer. Cet été-là, Rachmaninov sent que « de nouvelles idées musicales commençaient à germer » et reprend avec succès la composition. Sa première œuvre entièrement achevée, le Concerto pour piano no 2, est terminée en avril 1901 ; elle est dédiée à Dahl. Après la création des deuxième et troisième mouvements en décembre 1900 avec Rachmaninoff comme soliste et Siloti à la direction, l'œuvre entière a été créée en octobre 1901 et reçoit un accueil enthousiaste. La pièce vaut au compositeur un Prix Glinka, le premier de cinq prix qui lui ont été décernés tout au long de sa vie, et un prix de 500 en 1904.

L'inspiration et le bonheur reviennent : parallèlement au Concerto, bien que dans un style très différent, Rachmaninov compose la Deuxième suite pour deux pianos78. Il écrit la Sonate pour violoncelle et piano, la cantate Le printemps. Il épouse (avec l'autorisation du tsar) sa cousine germaine Natalia (1877-1951) le 29 avril 1902, très bonne pianiste elle aussi. À leur retour de noces en Europe, ils s'installent à Moscou, où Rachmaninov reprend son travail de professeur de musique au St. Catherine's Women's College et à l'Institut Élisabeth. De cette union naîtront deux filles, Irina (1903-1969)et Tatiana (1907-1961), toutes deux musiciennes.

En février 1903, Rachmaninov termine ses Variations sur un thème de Chopin (op. 22). En 1904, dans le cadre d'un changement de carrière, il accepte de devenir le chef d'orchestre du Théâtre Bolchoï pendant deux saisons. Il acquiert une réputation mitigée durant son séjour à ce poste, imposant une discipline stricte et exigeant des performances de haut niveau. Influencé par Richard Wagner, il est à l'origine de la disposition moderne des musiciens de l'orchestre dans la fosse et de la position debout du chef d'orchestre. Le théâtre met en scène la première de ses opéras Le Chevalier avare et Francesca da Rimini; le premier reçoit un meilleur accueil que le second.

Au cours de sa deuxième saison en tant que chef d'orchestre, Rachmaninov se désintéresse de son poste. L'agitation sociale et politique entourant la révolution de 1905 commençait à affecter les artistes et le personnel du théâtre, qui organisaient des manifestations et réclamaient de meilleurs salaires et conditions. Rachmaninov restait largement indifférent à la politique qui l'entourait et l'esprit révolutionnaire avait rendu les conditions de travail de plus en plus difficiles. En février 1906, après avoir dirigé 50 représentations lyriques au cours de la première saison et 39 au cours de la seconde, Rachmaninov donne sa démission. Il emmène sa famille pour une longue tournée en Italie dans l'espoir d'achever de nouvelles œuvres, mais la maladie frappe sa femme et sa fille et ils retournent à Ivanovka. L'argent devient rapidement un problème après la démission de Rachmaninov de ses postes aux écoles Sainte-Catherine et Elizabeth, ce qui ne lui laisse que la possibilité de composer.

De plus en plus mécontent de l'agitation politique en Russie et ayant besoin de s'isoler pour se dédier à la composition, Rachmaninov et sa famille quittent Moscou pour Dresde, en Allemagne, en novembre 1906. La ville devient la favorite de Rachmaninov et de Natalia, et ils y restent jusqu'en 1909, ne rentrant en Russie que pour leurs vacances d'été à Ivanovka. À Paris, au cours de l'été 1907, Rachmaninov voit une reproduction en noir et blanc de L'île des morts d'Arnold Böcklin, qui lui servira d'inspiration pour son poème symphonique éponyme (op. 29). Malgré des périodes de dépression, d'apathie et de manque de confiance dans son travail, Rachmaninov commence à écrire sa Symphonie no 2 (op. 27) en 1906, douze ans après la première désastreuse de sa première symphonie, ainsi que le futur opéra Monna Vanna. Rachmaninov retrouve de l'estime en lui après les réactions enthousiastes à la première de sa deuxième symphonie au début de 1908, qui lui vaut son deuxième prix Glinka et 1 000 roubles.

Pendant son séjour à Dresde, Rachmaninov accepte de se produire et de diriger aux États-Unis dans le cadre de la saison de concerts 1909-1910 avec le chef d'orchestre Max Fiedler et le Boston Symphony Orchestra. Il termine à Ivanovka son Concerto pour piano no 3 (op. 30), qu'il dédie à Josef Hofmann La deuxième exécution du Concerto par le New York Symphony Orchestra est dirigée par Gustav Mahler avec le compositeur comme soliste, une expérience qu'il a appréciée. Bien que la tournée ait accru la popularité du compositeur en Amérique, il décline les offres ultérieures en raison du temps passé loin de la Russie et de sa famille.

À son retour en Russie en février 1910, Rachmaninov devient vice-président de la Société musicale russe. Plus tard en 1910, Rachmaninov termine son œuvre chorale Liturgie de saint Jean Chrysostome (op. 31), mais elle est interdite de représentation, ne suivant pas le format d'une liturgique typique d'un service religieux1. Durant l'été 1910, Rachmaninov termine la composition des Treize Préludes (op. 32) dans lesquels le langage est plus sobre, et teinté de nostalgie. L'année suivante est marquée d'une évolution nette de la technique du compositeur, avec les nouveaux Études-Tableaux (op. 33). Pendant deux saisons, entre 1911 et 1913, Rachmaninov est nommé chef d'orchestre permanent de la Société philharmonique de Moscou, dont il aidera à croître la renommée. En 1912, Rachmaninov quitte la Société musicale russe lorsqu'il apprend qu'un musicien a été licencié parce qu'il était juif.

Peu après sa démission, Rachmaninov, épuisé, cherche du temps pour la composition et emmène sa famille en vacances en Suisse. Ils repartent au bout d'un mois pour Rome, un séjour qui devient une période particulièrement tranquille et influente pour le compositeur, qui vit seul dans un petit appartement de la Piazza di Spagna tandis que sa famille loge dans une pension de famille. C'est là qu'il reçoit une lettre anonyme contenant une traduction russe du poème d'Edgar Allan PoeLes cloches, par Constantin Balmont, qui le touche beaucoup. Il commence à travailler sur sa symphonie chorale du même titre (op. 35), basée sur ce poème. Cette période de composition s'interrompt brusquement lorsque les filles de Rachmaninov contractent de graves cas de typhoïde et traitées à Berlin. Après six semaines, les Rachmaninov retournent dans leur appartement moscovite. Le compositeur dirige Les Cloches lors de sa première à Saint-Pétersbourg fin 1913.

En janvier 1914, Rachmaninov entreprend une tournée en Angleterre et reçoit un accueil enthousiaste, il achève la même année sa deuxième œuvre chorale, les Vêpres (op. 37), qui sera largement appréciée lors de sa création à Moscou et reprogrammée.

La mort d'Alexandre Scriabine en avril 1915 est une tragédie pour Rachmaninov, qui entreprend alors une tournée de récitals de piano consacrés aux compositions de son ami afin de récolter des fonds pour la veuve de Scriabine, en difficulté financière. Il s'agit de ses premières représentations publiques d'œuvres autres que les siennes. Cet été-là, lors d'un séjour en Finlande, Rachmaninov apprend la mort de Taneïev, une perte qui l'affecte beaucoup.

À la fin de l'année 1915, il termine ses Quatorze Romances (op. 34), dont la section finale, Vocalise, est devenue l'une de ses pièces les plus populaires1. Ces tragédies incite Rachmaninov à entreprendre l'écriture des neuf Études-Tableaux (op. 39) qui oscillent entre l'exaltation et un caractère sombre.

Le jour de la Révolution de février 1917 à Saint-Pétersbourg, Rachmaninov donne un récital à Moscou au profit des soldats russes blessés qui ont combattu pendant la guerre. Il retourne à Ivanovka deux mois plus tard et la trouve en plein chaos après qu'un groupe de membres du Parti socialiste révolutionnaire s'en soit emparé pour en faire leur propriété communale. Rachmaninov quitte la propriété au bout de trois semaines, jurant de ne jamais y revenir1. La propriété est bientôt confisquée par les autorités communistes et se retrouve à l'abandon. En juin 1917, Rachmaninov demande à Siloti de produire des visas pour lui et sa famille afin qu'ils puissent quitter la Russie, mais Siloti ne peut l'aider. Après une pause avec sa famille en Crimée, plus paisible, Rachmaninov donne un concert à Yalta le 5 septembre 1917, qui sera son dernier en Russie.

Au cours de la tournée scandinave, Rachmaninov reçoit trois offres des États-Unis : devenir le chef de l'Orchestre symphonique de Cincinnati pendant deux ans, diriger 110 concerts en 30 semaines pour l'Orchestre symphonique de Boston et donner 25 récitals de piano Inquiet d'un tel engagement dans un pays inconnu et gardant peu de bons souvenirs de sa première tournée en 1909, il décline les trois offres. Peu de temps après sa décision, Rachmaninov, ne pouvant subvenir aux besoins de sa famille par la seule composition, estime que les États-Unis sont financièrement avantageux. Comme il n'a pas les moyens de payer les frais de voyage, le banquier russe et émigré Alexandre Kamenka lui accorde une avance. Il reçoit par ailleurs de l'argent d'amis et d'admirateurs ; le pianiste Ignaz Friedman contribue à hauteur de 2 000 $. Le 1er novembre 1918, les Rachmaninov embarquent à Oslo, à destination de New York, où ils arrivent onze jours plus tard.

Rachmaninov s'occupe rapidement de ses affaires, engageant Dagmar Barclay comme secrétaire, interprète et assistante dans sa vie américaine. Ellis organise 36 représentations pour Rachmaninov pour la saison de concerts de 1918-1919. Il reçoit avant la tournée des propositions de nombreux fabricants de pianos ; il choisit Steinway, le seul qui ne lui a pas promis d'argent. L'association de Steinway avec Rachmaninov s'est poursuivie jusqu'à la fin de sa vie.

Après la fin de la première tournée en avril 1919, Rachmaninov emmène sa famille en vacances à San Francisco. Il récupère et se prépare pour la saison suivante, un cycle qu'il adoptera pendant la majeure partie du reste de sa vie. En tant qu'artiste itinérant, Rachmaninov s'est assuré une sécurité financière, et la famille mène une vie de classe moyenne supérieure avec des domestiques, un chef cuisinier et un chauffeur ; elle conserve cependant des attitudes russes.

En 1920, Rachmaninov signe un contrat d'enregistrement avec la Victor Talking Machine Company, ce qui lui permet un revenu stable et marque le début de sa longue association avec RCA. La première visite de Rachmaninov en Europe depuis son émigration a lieu en mai 1922, avec des concerts à Londres. Les Rachmaninov et les Satin se réunissent ensuite à Dresde, après quoi le compositeur se prépare à une saison de concerts 1922-1923 chargée, qui comprend 71 représentations en cinq mois. Pendant un certain temps, il loue un wagon de chemin de fer équipé d'un piano et de ses affaires pour gagner du temps avec les valises. En 1924, Rachmaninov décline une invitation à devenir chef d'orchestre de l'Orchestre symphonique de Boston1. L'année suivante, après la mort du mari de sa fille Irina, il fonde Tair (Tatiana et Irina), une maison d'édition parisienne portant le nom de ses filles et spécialisée dans ses œuvres et celles d'autres compositeurs russes.

Sergueï Rachmaninov fait connaissance de Vladimir Horowitz le 8 janvier 1928. Cette rencontre est arrangée par le représentant de Steinway & Sons, Alexander Greiner, dans la cave du Steinway Hall (57e Rue), quatre jours avant un concert d'Horowitz jouant le Concerto pour piano no 1 de Tchaïkovski au Carnegie Hall.

Rachmaninov, trouvant exceptionnelle l'interprétation qu′Horowitz avait donnée plus tard de son Troisième concerto pour piano, aurait dit à Greiner : « Mr. Horowitz plays my Concerto very well. I would like to accompany him. » (« Monsieur Horowitz joue très bien mon concerto ; j'aimerais l'accompagner. ») Pour Horowitz, son rêve de rencontrer Rachmaninov devient réalité. Il le décrit comme le dieu musical de son enfance. Penser que cet homme pouvait l'accompagner dans son propre troisième concerto est l'événement le plus important de sa vie. Pour Rachmaninov, cette rencontre est tout aussi marquante : il considère Horowitz comme le pianiste qui a le mieux saisi ses œuvres (même si certains musicologues pencheraient plutôt pour Sviatoslav Richter — mais ce dernier n'a encore que 13 ans en 1928).

C'est le début d'une amitié qui ne sera interrompue que par la mort de Rachmaninov : les deux hommes s'admirent et suivent sans cesse le travail de l'autre. Horowitz stipule à son agent qu'il doit être autorisé à annuler ses représentations si Rachmaninov joue à New York. De même, Rachmaninov est toujours présent aux concerts d'Horowitz à New York, et il est toujours le dernier à quitter la salle. Rachmaninov réserve la même attention à Leopold Stokowski à qui il dédie ses Trois chants russes1.

Le 12 janvier 1928, Rachmaninov offre son avis à Horowitz, en le complimentant, et en l'invitant à dîner pour discuter de son interprétation de Tchaïkovski, que Rachmaninov trouve légèrement trop rapide. Horowitz n'a jamais été d'accord avec cette critique de son tempo et il maintient son interprétation lors des représentations suivantes de l'œuvre.

De 1929 à 1931, Rachmaninov passe ses étés en France, à Clairefontaine-en-Yvelines près de Rambouillet. À l'automne de l'année 1930, à 57 ans, Sergueï Rachmaninov, qui n'aime rien tant que la vie de famille et qui voyage par obligation professionnelle, est fatigué, saturé de concerts et affecté par l'échec de son Concerto no 4. Il décide de revenir en Europe et se fait construire en Suisse, entre 1931 et 1933, une maison sur le lac des Quatre-Cantons, dans la commune de Weggis, canton de Lucerne, villa qu'il baptisera Sénar148 de son prénom et de celui de sa femme Natalia et qui lui rappelle la maison de ses cousins Satine. Il y est heureux, il compose, travaille au jardin, conduit son bateau à moteur sur le lac et s'occupe de ses deux petits-enfants, Sophie Wolkonsky et Alexandre Conus. Il y écrit la célèbre Rhapsodie sur un thème de Paganini, opus 43, une série de variations pour piano et orchestre sur le 24e caprice de Paganini, publiée en 1934 et la Symphonie no 3 en 1936. Ses tournées aux États-Unis et en Europe, qu'il lui arrive d'assimiler à des travaux forcés, lui assureront une vie matérielle très confortable.

En décembre 1939, Rachmaninov entame une longue période d'enregistrement qui durera jusqu'en février 1942 et comprendra ses Concertos pour piano no 1 et no 3 et sa Symphonie no 3 à l'Academy of Music de Philadelphie153. Au début des années 1940, Rachmaninov est approché par les réalisateurs du film britannique Dangerous Moonlight (en) pour écrire une courte pièce ressemblant à un concerto qui serait utilisée dans le film. Il refuse et Richard Addinsell compose pour l'occasion le Concerto de Varsovie.

Maison de Sergueï Rachmaninov à Beverly Hills en Californie.

Au début de 1942, son médecin lui conseille de déménager dans un climat plus chaud pour améliorer sa santé après avoir souffert de sclérose, de lumbago, de névralgie, d'hypertension et de maux de tête. En juin, ils achètent une maison au 610 North Elm Drive à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Beverly_Hills" title="Beverly Hills" style="color:#00 Less

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